Frais et heureux des rencontres que nous avons faites à Ayabaca, lorsque nous nous levons ce matin là, nous avons un petit pincement au cœur. Dernière journée au Pérou. Si tout se passe bien, ce soir, nous serons en Equateur…
En guise d’adieu, le petit déjeuner d’Ayabaca nous offre une conversation représentative du niveau du système d’éducation péruvien. « D’où venez-vous » nous demande-t-on. « De France ». « Ah, Français… La France, c’est loin, non ? » - dit l’homme. Sa femme, plus sûre d’elle, affirme : « La France, je sais, c’est derrière la lac Titicaca »… Evidement, c’est pas complètement faux, vu du Pérou, même si le concept de « derrière » paraît bizarrement utilisé…L’éducation, évidemment, ne se calcule pas dans la croissance économique et ne sert à rien si l’on veut recevoir les félicitations du directeur du FMI, comme celles que le Pérou a reçu il y a peu de temps.
En tous cas, pour ce qui nous concerne, nous nous éloignons de plus en plus du lac Titicaca. Après une séance de «on rembobine la cassette» - re-descente de la route vertigineuse qui relie Ayabaca au reste du pays - et après quelques minutes d’attente sur le bord de la route reliant Piura à Loja en Equateur, nous filons vers la frontière.
Et de trois ! Ou « de quatre» ou « de cinq » et ainsi de suite ? « Trois, quatre, cinq quoi, Irkita ? ». Frontières, évidement ! Bien sur, si je compte « pour de vrai », il y a eu d’abord celle entre la France et la Belgique, celle entre la Belgique et Cuba, celle entre Cuba et le Mexique, puis celle entre le Mexique et le Pérou, ensuite celle entre le Pérou et la Bolivie suivie de celle entre la Bolivie et le Pérou et, aujourd’hui, celle entre le Pérou et l’Equateur. Mais vous voyez bien que ce n’est pas logique. Déjà est-ce qu’on doit compter les frontières franchies en avion entre l’Europe et les Amériques ? Et les escales ? Encore moins ! Ensuite, qui a déjà entendu parler de la frontière entre le Mexique et le Pérou ? Personne ! Et comme un aéroport, ici ou là bas, reste un aéroport, ça vaut pas non plus. Et peut-on parler de deux frontières entre le Pérou et la Bolivie, tout ça parce qu’on a fait des allers-retours pas logiques ? Si, on peut, car nous ne sommes pas passés par le même endroit. A l’aller, c’était la turquoise Copacabana alors qu’au retour, on a eu droit au surchargé Desaguadero. Alors, si on compte vraiment les frontières physiques que j’ai franchies sur mes petites pattes (et j’insiste pour ne pas me faire porter), ça fait trois… Ca y est, vous en avez marre ? Alors, j’arrête : « et de trois ».
Le temps a filé, et déjà sont derrière nous le Mexique, la Bolivie et dans quelques heures se sera le Pérou… On a bien aimé le Pérou. D’ailleurs, on y est restés deux semaines de plus que prévu. Souvenez-vous, c’était il y a quelque temps, alors qu’on arrivait de Bolivie, on s’extasiait devant la gastronomie péruvienne, à Arequipa. Puis venait Lima qu’on avait, contre toute attente, finalement beaucoup appréciée (faut dire qu’on y avait aussi tellement bien mangé… mais pas seulement!).
Au Pérou, il y a certes les fromages de Cajamarca, les ceviches [photo ceviche] et les papas rellenas, les lomos saltados, les parihuelas et j’en passe, mais il y a aussi et surtout les Péruviens que nous avons rencontrés. Toutes ces personnes qui luttent pour décider de leur avenir, pour ne pas se laisser broyer par la machine, pour ne pas se retrouver, comme mes cousins les hamsters, à faire tourner la roue, courant dans une cage, sans que cela ait beaucoup de sens et surtout, contrairement à ce qu’on leur dit, sans que cela n’améliore leur situation, en leur amenant - enfin !? - ce fameux « développement ».
Nous, le développement qu’on a pu croiser, celui du Cerro de Pasco, celui de la Oroya ou celui de Cajamarca - villes minières - c’est le développement de la pollution, de la misère, de la prostitution et de l’alcoolisme (même si à Cajamarca, ils font du bon fromage et que ça reste une jolie ville, contrairement à deux autres).
Alors, notamment parce que les exemples précédents existent, tous ne sont pas dupes. Des Andes à l’Amazonie, de Jaen et de San Ignacio jusqu’aux rives du Rio Cenepa - dans cette grande forêt qu’on appelle le « poumon de la planète » -, on se défend pour que les métastases cessent de proliférer. De ces combats naissent, parfois, des solutions. A Tambogrande, à Ayabaca et à Huacambamba, par exemple, on propose, on invente, parfois avec succès, d’autres fois non. Des unions se forment et les luttes convergent. Des villes aux campagnes, des ONG aux indigènes, on s’allie pour la sauvegarde d’une certaine façon de vivre et d’une certaine vision du monde, même si d’autres la taxent de conservatrice, quand ce n’est pas d’écolo-communiste. On défend la vie et on lutte contre ce modèle de « développement » qui déracine, aussi bien les arbres que les cultures, et qui confond accumulation et richesse.
Plus que quelques minutes et nous quitterons le Pérou. A la frontière, lorsque nous descendons de la voiture, j’en ai presque les larmes aux yeux. « Pucha, le Pérou, c’était bien ». « Ah, te voilà repartie à divaguer petite souris ! Pucha, c’est quoi encore, ça ? ». «Pucha ? ». C’est un peu le p….ain péruvien, sauf que cela ne va pas dire p….ain, même si c’est probablement un dérivé. Il est employé dans les campagnes ou en Amazonie et est souvent associé à « Imaginate ! ». Ce qui donnerait traduit « P….ain, t’imagines ! ».
Enfin, voici la frontière. Un pont, un panneau nous remerciant pour notre visite au Pérou, un autre nous souhaitant la bienvenue en Equateur, finalement, les frontières se ressemblent toutes. Ce qui change, c’est leur fréquentation et l’amabilité des services de douanes. Après un contrôle de passeports d’une tranquillité rare, nous franchissons en quelques pas le Rio Macarà, du nom de la ville frontalière… côté équatorien, puisque côté péruvien il n’y a rien qui marque la limite entre les deux pays. Nous voilà en Equateur… Pucha, le Pérou, c’est fini. (Il n’y a pas que les iles italiennes au large de Naples dans la vie).
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Kri kri
Irkita
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