jeudi 31 décembre 2009

24-12-2009 : Petit papa noël en Sucre

Finalement la nuit entre San Jose et Santa Cruz nous aura tellement secoués que les 18 heures transport entre Santa Cruz et Sucre seront passées rapidement. Encore une fois, tout est relatif 10 heures furent plus longues que 18…
Nous voici donc à Sucre, de nouveau en altitude dans la région des vallées (comme Cochabamba) – avec ses modestes 2790 mètres -, dans l’une des deux capitales du pays. La première capitale historique et celle du pouvoir judiciaire aujourd’hui. C’est une ville blanche dans les deux sens, même si pour celui de la couleur de peau, cela n’est pas flagrant. Dans les rues de la ville beaucoup d’indigènes un peu partout et beaucoup d’enfants faisant la manche. Ici, comme à Santa Cruz, les Blancs se sont vengés de l’indianitude du Président sur ses plus petits frères et sœurs. L’année dernière, alors qu’Evo devait venir en ville, un groupe de Blancs a fait passer un sale quart d’heure à un groupe de non Blancs venus l’accueillir : humiliation sur la place centrale, mise à feu symbolique de leurs ponchos et obligation d’insulter Morales. Cela explique pourquoi quelques poubelles en ville sont illustrées par une variation de la phrase suivante: « Raciste ou Ordure, votez ici ! ».  (un jeu de mot intraduisible de « Racista o basura vote aqui »).
Cela dit, ce n’est pas avec déplaisir que nous nous baladons un peu dans une atmosphère non suffocante. Sucre est une belle ville. C’est la version 2 de la ville coloniale : la ville blanche. Il y a des palais, de belles églises, de grandes places … le tout très blanc. Il y a même la tour Eiffel qu’on n’a pas vu en vrai mais sur un dépliant de l’office du tourisme. Je vous laisse la découvrir. Comme dans beaucoup de villes, nous commençons la visite pour un petit casse croute au marché. Ici, on se régale d’un sandwich de saucisse locale, mélange de saucisse allemande et de chorizo. On poursuit sur un jus d’herbe locale qui porte le drôle de nom d’alfalfa et qui a un gout de vert … au lait et sucré. C’est plein de vitamines à ce qu’il parait. Et ça sert aussi à nourrir les animaux. Entre la saucisse et l’alfalfa, on admire la profusion de produits « del campo » disponibles au marché de Sucre. Rien que les étales de pommes de terre remplissent à eux seuls tout une cours intérieure avec, comme d’habitude, un coin par spécialité.
En Bolivie, chaque vendeur d’une variété de produits est installé à côté des vendeurs qui vendent la même chose. Par exemple, il y a un coin des vendeurs de jus et de salades de fruits, un coin des vendeurs d’alcool, un coin maïs, un coin viande rouge, un coin poulet, un coin pomme de terre, etc. Pareil avec les habits, il y a un coin chaussures où tous les vendeurs de chaussures sont installés. Pratique pour comparer les prix (généralement les mêmes). Là où cela devient gênant, c’est que quand on a oublié d’acheter des pommes de terre et que le coin où on les trouve est à l’autre bout du marché, pas d’autre solution que de rebrousser chemin et retraverser le marché en entier. En ville, c’est la même chose avec les vendeurs ambulants. Tous ceux qui vendent du jus d’orange (dont Anna raffole), par exemple, sont aux mêmes croisements de rues, si ce n’est côte à côte. Impossible de les trouver ailleurs que tous au même endroit.
Le soir venu et prétextant la recherche d’un endroit où trouver le wifi pour souhaiter des bonnes fêtes aux amis, nous nous retrouvons à l’Alliance française qui a recouvert un des murs de sa cours intérieure d’une peinture avec beaucoup d’humour que je vous laisse découvrir en photo. Un peu plus tard et comme nous sommes le 24 décembre, Anna & Jérémy s’offrent un repas de Noël dans un endroit original ... le marché. Au menu, en guise de crustacés, de coquillages, de volaille et de buche glacée, nous nous régalons d’un plat interdit aux végétariens : riz, steak semelle pour l’épaisseur mais tendre niveau consistance, saucisse (comme celle de Strasbourg), œuf à cheval, frites et riz, le tout revenu dans dix centimètres d’huile. Et comme champagne, nous buvons de la Huari, une des bières boliviennes brassées selon la recette tchèque (pilsener). Un repas avec peu de protéines et finalement diététique en comparaison avec ce que vous avez mangé en France pour les fêtes, non ?

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mercredi 30 décembre 2009

23-12-2009 Santa Cruz : Un billet pour Sucre ou « il n’y a pas, mais il y a » !

Nous sommes le 23 décembre et devons trouver un billet pour aller à Sucre. Il y a 18 heures de voyage, donc, un bus de nuit s’impose. Et puis comme on sort d’une nuit dans un bus, ne perdons pas l’habitude. On ne le sait pas encore, mais on va encore avoir droit à un morceau de Russie en Amérique Latine. Pour le moment, on se concentre sur une mission simple : comment se décrasser. Ce qui n’est pas compliqué, parce qu’en Bolivie on trouve des douches publiques un peu partout.
Ce n’est qu’une fois présentable qu’on commence à se rendre compte de l’ampleur de la mission qui nous attend. Devant chacune des officines des compagnies de bus qui vont à Sucre, il y a une queue énorme dépassant de loin la capacité d’un bus, voire de deux bus. Un peu inquiets à l’idée de devoir rester à Santa Cruz qu’on n’aime pas plus que ça, mais surtout de ne pas pouvoir avancer dans notre itinéraire, on se renseigne. « Sucre ? » « No hay » (Il n’y a pas). Pourquoi autant de gens font-ils quand même la queue ? Chacun a sa version de l’histoire. En fait, tout le monde semble dubitatif. Pourtant les panneaux affichant « Sucre No hay» sont clairs. Pas grave, on se met gentiment dans une file d’attente qui à vu de museau semble être de quelques heures, au moins.
Et voici la Russie en Amérique Latine qui réapparait. En Russie, lorsqu’on pose une question compliquée, je veux dire par compliqué « avec les formules de politesse », la réponse est souvent « Ne znaiu» (je ne sais pas). Sans autre fioriture. « Ne znaiu» et c’est tout. « Va voir ailleurs » signifie la même chose. Ici, en Bolivie l’équivalent du « va voir ailleurs » est « No Hay ». « Bonjour Madame, excusez moi de vous importunez, est-ce que vous pourriez me dire s’il reste de la place pour Sucre, s’il vous plait ». « No hay ». Faut avoir du caractère pour continuer à utiliser des formules telles que « Por favor » ou « Gracias ». Comme on en a, on insiste. A la réponse « no hay » qu’on nous propose, on innove et répond « cuanto ? » (Combien ?). Et là, c’est le miracle, des places réapparaissent… au bout de plus de deux heures de course et d’histoires folles et improbables comme par exemple : « la route s’est écroulée … revenez à 10h quand le bus en provenance de Sucre sera arrivé … pour l’instant il n’y a pas de place, mais il y en aura peut-être plus tard. ». Vous n’y comprenez rien ? La réponse est dans le « cuanto ».
En fait, pour toutes ces compagnies, il reste des places qui ont été rachetées par la compagnie à elle-même et qui vont être vendues 30% plus cher au premier relais. Si vous achetez à un second relais, ce sera 50% plus cher, et ainsi de suite, chacun prenant sa commission. Le plus fou, c’est que la compagnie le fait aussi vis-à-vis d’elle-même. Elle se vend à elle de façon virtuelle ses dernières places pour les faire réapparaître avec un prix gonflé quelques heures après avoir affirmé à tout le monde qu’il n’y avait plus de places. « No hay pero hay » (Il n’y a pas mais il y a). Un peu comme en Russie où l’art d’éviter le « ne znaiu » repose dans la subtilité de formulation de la question. Une même question tournée de la bonne façon pourra avoir une réponse, tandis que mal formulée, la sanction tombe automatiquement : « Ne znaiu». Version bolivienne : « Combien coute la portion de frites ? ». « No hay ». « Combien coute le sandwich avec les frites ». « 3 bolivianos ». « Et sans les frites ? ». « 2». « La portion de frite coute donc 1 boliviano ? ». « Si »…
C’est donc heureux et fatigués, tant mieux nous dormirons dans le bus, que nous partons de Santa Cruz, la capitale économique, pour Sucre, l’une des deux capitales officielles du pays. Oui, deux capitales officielles. Pourquoi une seule quand on peut en avoir deux ?

San Jose : aux pays des Chiquitanos - 22-12-2009

Chiquito, ça veut dire petit, comme moi. Les Chiquitanos, je les aime bien par avance et en plus pour aller les voir, on prend le train, ça nous change du bus. Et gruyère sur le gruyère sans trous – et donc de Suisse parce que les meilleurs des gruyères sont suisses, tout le monde le sait – on va dans la région des utopies jésuites, témoignage d’une époque étrange et un peu anachronique pendant laquelle des Blancs religieux n’ont pas complètement massacré les indigènes ! Bon, c’était sans compter avec le Pape de l’époque qui les a finalement mis hors des Amériques. Mais tout ça c’est de l’histoire bien ancienne, aujourd’hui, il reste une dizaine de villages en souvenir de cette époque, avec des églises uniques notamment celles en bois … qu’on ne verra pas parce qu’à San Jose, elle est en pierre.
Nous arrivons de nuit après un voyage en train bien moi sympa que je l’imaginais. Genre trains « secouez-moi » pendant sept heures ! Dire que j’étais contente de changer du bus. Si dans le Chapare le son de l’air humide et tiède avait fait « wouf » dans nos poumons, ici, c’est « wouf wouf » (comme le chien). La première fois, l’aboiement du chien dans les poumons (de souris), ça fait toussoter un peu, faut le savoir. A San Jose, il fait très, très, très chaud. Après quelques heures de sommeil moites avec comme seul « aide-brasseur d’air » un pauvre ventilateur bien fatigué qui fait tout de même tout son possible pour nous aider, ce qui se fait sentir niveau sonore, nous partons nous balader en évitant le plus possible le soleil, ce qui n’est pas facile, à la découverte de l’église monumentale de se petit village aux chemins rouge-ocre bordés de tout à l’égout odorant. Après quoi, en attendant d’aller voir nos amis de la central indigena, nous succombons à la chaleur avec notre compagnon ventilateur toujours aussi bruyant. J’ai hâte de les voir, ces petits hommes.
Enfin, voici l’heure, et ma déception est à la hauteur de la non-petitesse des Chiquitanos. Ils sont comme les autres humains. Pourquoi les Guaranis les appelaient donc « les petits combattants » ? Nous sommes reçus par l’ensemble des dirigeants au grand complet qui nous parlent de cette fameuse route. Avant, on la lu dans un livre qu’ils ont écrit avec une ONG bolivienne, cela ne leur plaisait pas du tout. Mais aujourd’hui cela les dérange un peu moins, même si cela continue à les déranger. Pas évident de comprendre si cela représente un problème ou pas. On sent un poil (de souris) de langue pas de bois, ou du moins une certaine retenue.
En fait, sans jeu de mots, ce qui ne leur plait pas semble-t-il, c’est d’être laissés sur le bord du chemin du développement économique si proche. Parce que la route est perçue comme telle. Elle est à la fois destructrice du mode de vie traditionnel, mais est aussi un lien avec ce fameux développement économique que vrombissent les radios, les télés, les panneaux publicitaires et tout le reste. C’est pour cela qu’ils souhaiteraient en profiter à leur tour et avoir des écoles, des dispensaires, de l’électricité, de l’eau courante, des transports en communs et du travail. C’était bien le but affiché des projets de l’IIRSA , mais en réalité, il n’en est rien. Le désenclavement promis n’est pas suivi des faits.
Mais les grand-petits hommes ne veulent pas trop avoir l’air de se plaindre non plus, nous expliquent-ils. D’accord ! Nous leur disons au revoir et repartons vers notre transport du jour : un bus de nuit. Chouette, ça faisait longtemps.
Ce fut une expérience terrible. A l’intérieur du bus, sans amortisseurs sur une route faite de culs de poule, un son digne d’un marteau piqueur au matin ou celui de la perceuse du voisin dans le mur à côté de l’oreille au réveil… pendant dix heures. Dix heures de shaker avec comme ingrédients dedans des humains et une souris ! Le train, c’était du beurre en comparaison. Mais nous arrivons quand même, à priori, en un seul morceau bien tassés à Santa Cruz. Ouf, la terre ferme…

lundi 28 décembre 2009

Santa Cruz : Croix en U, Escargot, Ménnonites et Chiquitanos.

Santa Cruz, c’est une drôle de ville. C’est supposé être la plus grande ville du pays, mais quand on s’y ballade pour trouver un ami d’une ONG, on se retrouve à marcher dans des quartiers résidentiels, verts et tranquilles. Loin du centre ville qu’on imagine de la capitale économique d’un pays. Pas d’immeubles tellement grands que j’ai l’impression qu’ils me tombent dessus, pas de circulation à se faire écraser les pattes. Vu comme ça, c’est à La Paz qu’il y a tout ça. Même si l’or noir, c’est ici qu’on le trouve. Sur les murs, quelques insultes à Evo Morales, pour nous rappeler l’époque pas si lointaine des conflits qui ont secoué le pays en 2008. D’un côté quatre départements dits de la media luna, de l’autre les départements des indigènes et des hauteurs. Ceux de la média luna voulaient leur indépendance. Puisqu’un indien « communiste » dirige le pays à notre place, on part. Facile. Mais cela n’a pas marché comme ça. En fait, le pays est plus unis qu’il ne paraissait et plus personne aujourd’hui ne souhaite le voir se casser en plusieurs morceaux.
Santa Cruz, c’est quelque chose de particulier. Il y a les descendants des oustatchis, le célèbre mouvement nationaliste croate proche des nazis, et les autres, de ceux qui sont descendus des montagnes en laissant de côté leurs origines dont ils sont de nouveau fiers depuis qu’un certain Uro-aymara (plus Uro qu’Aymara en réalité, même si personne ne le sait) est président de la république. Il y les descendants allemands qui sont arrivés en 1914-18 et puis il y a ceux qui sont arrivés après la seconde guerre mondiale, comme Klaus Barbie qui a même eu droit à une fonction dans l’armée bolivienne, tout en travaillant pour la CIA probablement pour favoriser la prise de pouvoir de l’ancien dictateur "Banzer", lui aussi de Santa Cruz. Je dis ancien dictateur, mais j’aurais pu aussi dire ancien président du conseil constitutionnel, parce que cet homme fut élu après avoir été dictateur. En fait les Allemands ont apporté de la bonne bière, des bonnes saucisses, et des types pas trop sympathiques (enfin pas que, mais c’est pour faire cliché). Ici, il y a aussi l’Union juvénile crucègne qui mélangent sur les murs croix gammées et croix de Santa Cruz peut-être en souvenir de la croix du U oustachis ? . Sympathique ! Et pour compléter le tableau, il y a les indigènes amazoniens, les Chiquitanos et les Guaranis pour les plus nombreux. Ah, oui et j’oubliais les mennonites, tous plus ou moins habillés pareil : blonds yeux clairs en salopette et chemise unie pour les hommes et en bonne sœur pour les femmes. Eux, ce sont une secte protestante qui se considère comme la seule à savoir lire la Bible. A cela s’ajoute le plan d’urbanisation de la ville : sept anneaux qui s’imbriquent les uns aux autres, donnant à la carte de la ville l’allure d’un escargot. Santa Cruz, c’est entre autre tout ça.
Et nous ? Nous on cherche à rencontrer les Chiquitanos  qui sont en train de se faire construire une grosse route au travers de leur territoire dans le cadre de l’un des nombreux projets de l’IIRSA, Initiative d’Infrastructure Régionale de l’Amérique du Sud. Cette grosse route est censée – sur le papier - désenclaver les régions les plus isolés du continent. En réalité, elle sert surtout à acheminer les marchandises et les ressources naturelles extraites depuis les enclaves « productives » jusqu’aux endroits d’où on peut les envoyer plus loin (Europe, Etats-Unis, Chine, etc.). Et pour les zones où cette route « ne fait que passer », il semblerait qu’elle n’a que des impacts négatifs. Un ami d’une association de la deuxième couronne, la plus chic semble-t-il, nous met en relation avec les responsables d’une « central indigena » chiquitana.

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dimanche 27 décembre 2009

Cochabamba – Villa Tunari : La descente continue

Forcément quand on part de 4000 mètres d’altitude, on peut descendre longtemps. Et c’est ce que nous faisons. Entre Santa Cruz, la plus grande ville du pays et capitale économique qui se situe presque au niveau de la mer, et Cochabamba à 2500 mètres, il y a la région du Chapare, qui ressemble à l’Amazonie, mais qui n’est pas l’Amazonie. Ici, ça s’appelle le Tropique.
Il nous faut quelque chose comme 4 petites heures de bus pour y accéder. Mais avant de saluer Cochabamba, nous repassons quand même voir notre ami milliardaire bâtisseur de villes de rêve. On a pris ses coordonnées et fait des photos de son dernier livre, si ça vous intéresse. Mais franchement, quand il nous a raconté qu’il était il n’y a pas longtemps dans la Chiapas au Mexique pour négocier avec Marcos, les zapatistes et le gouvernement fédéral (???), la construction de l’une de ses villes-miracle, on a failli lui rire au museau. Mais on est restés polis et on ne l’a pas fait. Quelle histoire quand même ! Et si c’était vrai ?
Sur la route, nous rencontrons notre premier panneau multilingue, digne d’un Etat plurinational. Je ne saurais pas dire si c’est du quechua ou de l’aymara, mais ce n’est pas du kri-kri, por supuesto. Et nous voici arrivés : « wouf ! ». C’est le son que l’air humide et tiède à fait quand il est rentré dans mes poumons de souris. J’ai la sensation que la température à augmenté de 20°. Ca doit être ça les tropiques.


La Chapare : week-end, pluies et singes.
Nous avons décidé de venir travailler un peu dans cette région plutôt tranquille pour ce qui nous concerne. Dans le Chapare, on cultive de la coca, on adore Evo, qui a été ici responsable syndical des cultivateurs de coca, los cocaleros, la police ferme de temps en temps un atelier clandestin (forcément) de production de cocaïne et les indigènes du coin, los Yuracarés, se battent (un peu) contre les colons venus des hauteurs pour cultiver la coca. Mais nous ne sommes pas venus pour ça. Nous sommes installés pour la fin de la semaine à Villa Tunari pour travailler. Travailler, ça veut dire pour Anna récupérer ses notes en les informatisant et préparer la suite, pour Jérémy, la regarder faire et pour moi, rédiger mon journal de bord en attendant de pouvoir le mettre en ligne sur ce blog.
Nous nous installons dans un hôtel au bord du Rio Espiritu Santo (rien que ça), dans lequel nous pouvons faire notre propre cuisine. Nous nous préparons de bons petits plats et sommes fin prêts à bosser. Enfin presque prêts parce qu’on n’avait pas tenu compte du climat, à savoir alternance de pluies diluviennes et de chaleur digne d’un four à chaleur tournante ! Enfin, nous avançons un peu, mangeons bien et dormons beaucoup, c’est déjà ça.
Le second jour, nous partons visiter une réserve-nurserie-hôpital pour les animaux du coin. Je suis toute excitée à l’idée de rencontrer mes compatriotes des tropiques. Un peu déçue, je n’aurais droit qu’aux perroquets, qui crient plus qu’ils ne parlent et aux singes qui sont, certes sympathiques, mais voleurs comme … heu… des singes ? Dès qu’ils montent sur quelqu’un, c’est pour mettre la main dans la poche ! Et le seul singe sympathique qu’on a trouvé est tombé amoureux de Jérémy. Il ne l’a pas lâché pendant les 3 heures de balade : accroché à sa jambe pour ne pas marcher, caché sous son tee-shirt lorsque la pluie permanente augmente d’intensité en se prenant pour la douche, hurlant de chagrin à la fin lorsqu’il a fallu se quitter. Son petit nom, c’est Fidelia, qui sonne comme fidélité, sauf qu’en castillan fidélité, ça se dit fidelidad.
Voici déjà la fin du week-end. Un petit portrait de mon copain le chien rasta du coin, petit squattage dans un hôtel-restaurant et nous voici à 22h sur le bord de la route à attendre un hypothétique bus en provenance de Cochabamba pour Santa Cruz. Si nos calculs sont bons, il ne devrait pas tarder. L’inconnu, c’est surtout la place disponible. On touche du bois (des tropiques, ça porte encore plus chance). Calcul raté, mais on embarquera à 1h00 du mat dans un bus où heureusement il reste de la place après 3 heures d’attente et d’espérance (non vaine) !


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samedi 26 décembre 2009

Cochabamba : Post-scritum suisse et eau dégout !

Je vous avez parlé du Suisse qui vit la moitié de l’année en Suisse et passe l’autre moitié sur la place de Cochabamba à discuter de sa passion avec les autres. Sa passion, c’est la politique bolivienne. Pour lui, le projet d’Evo Morales, c’est de faire de la Bolivie une Suisse latino-américaine : même géographie avec les montagnes, même enclavement avec l’absence de mer, même Etat plurinational, etc. (bon, qu’en est-il des pays comme la Moldavie ? passons). Et bien, ce n’est pas vrai qu’il passe tous son temps en Bolivie sur la place centrale de Cochabamba, puisque le soir il rentre chez lui. Nous avons sympathisé et il nous a invités à nous joindre à lui pour ce moment là et nous avons accepté. Dans le bus pour aller chez lui, on s’est fait engueuler parce qu’on parlait trop fort dans une langue étrangère. On nous a priés de nous exprimer en quechua ! J’ai répondu en « kri-kri », le langage des souris et tout le monde a compris que le quechua, c’était quand même un peu trop compliqué et complètement improbable qu’on sache le parler. Tout ça pour dire que je trouve certains Boliviens quand même un peu trop nationalistes à virer au chauvin. Il doit y avoir un esprit revanchard caché là dessous. Parfois, cela me rappelle la Russie. Comment-est-ce possible ? Bonne question !
Puisque c’est le quart d’heure critique, en voici d’autres. Premier prix pour leur conduite. Quand quelqu’un traverse, la voiture accélère et en plus de la crise cardiaque qu’il vient d’avoir, le piéton se fait insulter ! Sinon, les marchands n’ont jamais suffisamment de monnaie à vous rendre. Vous avez besoin d’aller au toilettes par exemple, et on doit vous rendre 19 sur 20, cela n’est pas possible. En insistant en général, ça passe. Mais il faut insister et dés fois cela ne passe pas. De la même façon, les pièces de 50 centimes, lorsqu’on doit vous rendre 1,5 bolivianos, ont tendance à se faire rares, même lorsque tout est à 1,5 bolivianos et donc que pour chaque chose achetée, il y a une pièce de 50 centimes. Pas grave, à vous d’aller faire la monnaie à côté. Il y a aussi les vendeuses de fruits du marché de la Paz qui sont sacrément susceptibles. Si vous ne voulez pas du fruit qu’elles vous ont choisi affectueusement mais qui est parfois un peu trop mur, voire pourri, cela dépend des gouts, elles refusent de vous vendre quoique ce soit d’autre. Ou alors, il y a les plans promos : 2 bananes pour 1 bolivianos, 10 pour 5. Bon, je force le trait, mais c’est du vécu.
Chez notre ami suisse qui vend des fleurs en en Europe six mois par an, j’ai fait connaissance avec mes cousins les cuyes (prononcés couilles). J’ai cru qu’on se moquait de moi au début, mais en fait, il s’agit de cochons d’Inde. Ici, on les mange les pauvres. Je trouve ça barbare, parce qu’on est cousins éloignés. Les cochons d’Inde, c’est les rastas de la famille.
Mais c’est déjà l’heure de repartir en ville. Au passage notre copain nous fait visiter la rivière du coin, pas très « Pachamama » et « Tierra Madre », ça ressemble plus à une décharge ! L’eau en Bolivie, ce n’est pas une histoire simple. Quand y en a pas, ben, y en a pas, et quand y en a, elle n’est pas forcément très propre. Autour de Cochabamba par exemple, l’eau sert de poubelle aux riverains, aux usines et de tout à l’égout, entres autres… Petit clin d’œil de l’actualité le même jour, les unes des quotidiens annoncent : « Evo advierte sobre un holocauste climatico » (Evo met en garde contre l’holocauste climatique). Rien que ça ! On y reviendra.



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Cochabamba, chapitre 3 : L’empire contre attaque

Nous y voilà : la fameuse partie sud de la ville. La Zona Sur. Cela a été plus facile d’y venir qu’on nous l’avait dit. On y rencontre le président de l’association des systèmes communautaires de l’eau (l’ASICASUR). Il nous explique le mode de fonctionnement : 140 comités de l’eau indépendants dans 4 districts pour entre 100 000 et 120 000 habitants (la population totale des 4 districts de la zona sur qui ne sont pas connectés au réseau public est de 250 000). A la tête de chacun d’entre eux, une assemblée qui élit u directoire. Certains comités ont même des employés, généralement une secrétaire et un technicien. Pour ce qui est de l’apport initial, au-delà des ressources propres (souvent très maigres), les financeurs ont été soit les églises – catholique et protestantes -, soit des ONG. Certains comités existent depuis 30 ans. L’eau des comités n’est cependant pas suffisante pour tout le monde Alors, il est question de relier leurs réseaux au réseau de la SEMAPA, vieux combat – et pas encore gagné ! A la fin de la conversation, nous demandons s’il est possible d’aller voir un comité, mais le président de l’association nous explique que compte tenu de la susceptibilité de gens (toujours ! elle serait apparemment selon ses dires surtout « politique »), ce ne se fait pas d’y aller seul. Kri-kri, qu’est ce que c’est que cette susceptibilité à la fin ? Lui, par exemple, c’est vrai qu’il semblait un peu méfiant à priori, mais il n’est pas susceptible pour un gruyère, alors qu’on nous avait dit le contraire ! Tant pis, on se prépare à repartir sans être allés voir de nos propres yeux un des ces fameux comité de l’eau…
Mais miracle, la chance nous sourit (je n’ai jamais vraiment bien compris cette expression). Un des membres de l’ASICASUR présent dans les locaux se prépare justement à aller visiter un comité en compagnie d’une italienne membre d’une ONG. Nous parcourons rapidement quelques kilomètres de quartiers populaires, composé de mélange de cabanes, de trou à souris et de maisons. Le contraste avec le centre est gigantesque. Là bas, on y trouve des pelouses et des fleurs dans des jardinières, et ici, rien, pas un chat, façon de parler, ou presque. Et même si en général, l’absence de chats m’arrange, ici, j’aurais bien aimé en voir un ou deux accompagnés de végétation. On ne peut même pas s’amuser à faire des châteaux de sable, parce que pour faire des châteaux de sable, il faut de l’eau. On nous explique que pour ce comité de 700 familles, la nappe d’eau, pompée depuis seulement 10 ans, s’assèche. En plus, une étude récente a révélé que celle-ci était polluée par des métaux lourds. Génial ! Ils nous demandent si on est là pour les financer. Apparemment, ils ont l’habitude de voir des ONG occidentales dans le coin. Pas plus tard que la semaine dernière, c’était ceux de la fondation de Danielle Mitterrand qui étaient ici.
Nous arrivons devant une foule pioches à l’épaule affairée à déboucher les tuyaux : femmes, enfants et hommes, tous ensemble, ouais ! « Vous croyez qu’ils sont contents de travailler ensemble ? » Le responsable bénévole de ce collectif de l’eau nous peint le tableau. « Pas du tout, ils payent une amende si ils ne sont pas présents ». Et effectivement, les voilà qui vont se faire tamponner un petit carton bleu, avant de prendre à manger un sandwich au thon accompagné de jus d’orange, que l’on nous propose aussi. Anna et Jérémy acceptent, enchantés, mais pour moi, c’est non, merci, le poisson, beurk, c’est bon pour les chats ! De toutes façons personne ne m’a vue. On continue à nous expliquer qu’il leur manque seulement environ 20 000 dollars pour être de nouveau autonomes, c'est-à-dire acheter leur propre camion citerne pour aller chercher de l’eau a la SEMAPA. Certes, quelques ONG les aident un peu, peut-être, mais ce n’est pas sur et c’est très long pour qui a besoin d’eau. Et si l’ASICASUR les aide à construire et maintenir le réseau, elle ne leur amène pas l’eau pour autant. Alors, ils imaginent créer leur propre ONG. D’après notre courte expérience en Bolivie, il semblerait que cela paye bien !
Un peu d’amertume vis-à-vis du gouvernement. Depuis peu, les comités de l’eau peuvent être reconnus par le gouvernement en tant que petites entreprises. « Les entreprises, c’est corrompu » commente notre ami. Là-dessus, l’italienne nous explique que le ministère de l’environnement et de l’eau, créé en même temps que la loi de l’eau, une des conquêtes supposées de la guerre de l’eau, est financé à 80%¨par la coopération allemande, le BID et la Banque mondiale. Elle nous apprend aussi que la fameuse « loi de l’eau » dont on parle tant, qui est un modèle qui affirme pour la première fois que l’eau est un bien collectif, a en fait ouvert la porte à un système de sociétés d’économie mixte, et ce, sur la demande des allemands. Selon eux, c’est la seule solution pour éviter la corruption. « Economie mixte pour l’eau, qu’est ce que cela veut dire ? » « Par exemple, la mise sous concession de la gestion d’un réseau d’eau potable à une entreprise privée. » Tiens, tiens, mais cela ne serait pas comme le système français, ça ? Niveau prix, les comités s’en sortent bien. Pour le moment, ceux qui ont leurs puits (pas encore épuisés) sont à égalité avec la SEMAPA, et bien en dessous des camions citerne qui dont l’eau coute presque dix fois plus cher.
Voilà, pour nous c’est la conclusion notre quête de la guerre de l’eau…(perdue?). Beaucoup de questions posées pour de nombreuses interrogations soulevées : où va donc tout l’argent de l’entreprise publique ? Que deviennent les contributions des comités à l’ASICASUR ? Tout cela représente beaucoup d’argent et quand on sait qu’il manque seulement 20 000 dollars à certains d’entre eux pour de nouveau avoir de l’eau, on peut s’interroger. Vont-ils trouver un système de gestion autonome sans être sous perfusion des ONGs et de l’aide au développement ? Et que fait l’Etat bolivien qui n’est pas très présent dans la zone sud de la ville. Finalement la « guerre de l’eau » ne fut qu’une bataille gagnée, la véritable guerre n’a pas (encore) eu lieu.



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Cochabamba, chapitre 2 : Eau rage, eau désespoir

C’est reparti. Visite de notre lieu de villégiature (allez, donnons son nom, c’est la Tinkuna) en plein jour. C’est un peu plus chaleureux, mais on décide quand même de se rapprocher du centre. La Tinkuna, c’est un peu rude. Micro Bus. Jus au marché. Mmm, délicieux. Tentative d’entretient avec la sénatrice de la veille : « Vous pouvez revenir à 12h30, j’ai une conférence de presse maintenant ». Pas grave, j’en profite pour faire un coucou à mon copain Mickey qui tient compagnie à Evo Morales dans la permanence de la sénatrice du « Mouvement vers le socialisme » (MAS) de Cochabamba. Voilà midi. Revoilà la sénatrice suppleante, héroïne de la guerre de l’eau. Bilan : 7 minutes d’entretien langue de bois, avec des questions bien plus longues que ses réponses. « Bonjour, au revoir ». Décidément, je n’aime pas ceux qui ont changé la politique de la rue pour de la politique de derrière un bureau! Retour à la Tinkuna récupérer les sacs à dos. Tiens, mais je n’avais pas vu que Libertad, ma copine chatte de Gennevilliers en banlieue parisienne, signe sur les murs d’ici. Nous revoilà dans le centre ville où on s’installe dans un hôtel confortable, sans petit déjeuner compris, mais avec soins à la coca mâchée par la gérante pour le pied d’Anna, qui lui fait toujours mal. Ca change de la paille de la Tinkuna. Bilan de la journée ? Entretiens avec Victor-Hugo, un bolivien écologiste ayant vécu 35 ans aux Etats-Unis, qui s’appelle vraiment Victo-Hugo ; puis avec la fondation Abril, crée par la star internationale de la guerre de l’eau. On nous confirme ce que nous disait Tinku : niveau eau, c’est toujours pareil, il y a des parcs au nord, chez les riches et du sable au sud chez les pauvres, tandis qu’à la SEMAPA, l’entreprise publique, népotisme et corruption font toujours bon ménage. L’entretien du réseau en pâtit et 50% de l’eau part en fuite. Quel gâchis ! On comprend mieux la rancœur des gens d’ici sur le sujet.


Maintenant faut qu’on aille voir cette partie sud. Rendez-vous le lendemain matin tôt avec le responsable de l’association qui regroupe 90 des 140 comités de l’eau, l’ASICASUR On se rapproche du but et on croise les doigts et les pattes pour ne pas froisser la susceptibilité des gens du sud vis-à-vis de laquelle on nous met (encore une fois) en garde



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mercredi 23 décembre 2009

Cochabamba, Chapitre 1 : la guerre de l’eau a-t-elle eu lieu ?

C’est parti. Anna passe les coups de fil. Pas de réponse. On va dans les bureaux des organisations impliquées soit dans le conflit à l’époque, soit dans l’écologie aujourd’hui : personne n’est là. Ici, ou peut-être pour nous uniquement, il y a une sorte de malédiction, dirait-on. Quand on était à La Paz, les personnes qu’on voulait rencontrer, étaient à Cochabamba. Maintenant qu’on y est, elles sont à La Paz. « Revenez mercredi » nous dit-on. On est lundi. « Allo, Mme la Sénatrice, alors pour notre rendez vous prévu ce matin ? Faut qu’on rappelle demain matin ? Très bien, à demain alors ». Demain, demain, toujours demain…

Pas grave, on insiste, tout en se baladant en ville. Faut dire que les bureaux des ONG environnementalismes sont bien placés : centre ville et immeubles modernes. Sur la place centrale de la ville, on tombe sur des groupes de gens en train de discuter en rond. Il y en a avec des cartes du monde et des copies d’articles de presse. D’autres avec des tables remplis de documentation izquierdista (de gauche) et des panneaux en bois avec la presse quotidienne commentée. Tiens, c’est une des organisations dont on a le contact. Leur bureau n’est pas loin, on passe le voir. Ils sont présents et nous reçoivent directement ! Ca fait plaisir. Leur bureau ressemble à celui d’une association et pas d’une entreprise. Tenons-nous le bon filon ? On le saura plus tard, parce qu’ils n’ont qu’une demi heure à nous consacrer maintenant et pas assez de temps pour nous répondre de façon approfondie. On se met d’accord tout de même pour dormir à la maison-lieu associatif-dortoir-bibliothèque-école de l’association et pour repasser plus tard.

On consacre notre après midi à chercher des contacts qui veulent bien nous parler de la guerre de l’eau, tout en se baladant en ville : « tient, il y a encore des machines à écrire ici ! » Et ca avance : rendez vous pris pour le lendemain avec quasiment tout le monde. Super ! Et en plus, on profité de supers vues que l’on a du haut des bureaux des ONG. Par contre on nous fait comprendre qu’on ne peut pas aller dans partie sud comme ça. « Pourquoi ? Est-ce dangereux ? » « Non, c’est parce que ses habitants y sont susceptibles. » De quoi ? Pas de réponses, mais on espère quand même bien l’apprendre plus tard.

Bientôt l’heure de repasser voir nos copains. Nous voici à l’hôtel pour récupérer les sacs pour le changement de lit. Je ne sais pas combien de lit et de trou à souris on a déjà fait, mais cela ne fait que commencer. Dans la salle où sont posés les sacs, un vieil homme est assis dans le noir en train de pianoter sur son ordinateur. Il vient du Luxembourg et nous explique qu’il est en Bolivie pour construire une ville miracle écologique, autonome, et autosuffisante de 30 000 habitants pour les classes moyennes basses de Bolivie. Coût du projet : seize milliards d’euros, dont un qu’il met de sa poche, 380 000 par un lui seront donné par ses anciens étudiants, et il espère aussi de l’aide de ses amis musiciens dont Paul Mccartney qu’il connait depuis 40 ans! Rien que ça. Quelle histoire de fou ! Avons-nous à faire à quelqu’un avec beaucoup d’imagination ? On prend ses coordonnées pour le vérifier plus tard.

Direction les locaux de l’association où l’un des responsables nous reçoit pour qu’on discute de la guerre de l’eau. Enfin ! Selon lui, ce n’est pas glorieux. Il nous explique qu’aujourd’hui tous les leaders du mouvement font de la politique (sont élus ou ont accepté des postes importants), dont beaucoup sont passés dans les partis de droite, que l’entreprise publique victorieusement arrachée par le peuple (jadis) uni ne fournit toujours pas d’eau à la zone sud et qu’elle est toujours aussi mal gérée et corrompue… Bon, il ne s’agit que d’un son de cloche, mais on est un peu déçus quand même. « A quoi a servi la guerre de l’eau alors ? » « A politiser et conscientiser le peuple, cela a été la première brique qui a permis à Evo Morales de devenir par la suite président du pays. »

L’entretien terminé, il nous reste encore le temps de filer de nouveau vers la place centrale pour participer à une des rondes de discussion quotidiennes du soir. Un jeune couple argentino-brésilien nous parle des mouvements sociaux en Argentine. Tous les jours, toute la journée, toute l’année, il y a des groupes qui débattent dans une atmosphère d’agora grecque. Et ça, avant la guerre de l’eau, cela n’existait pas. Cela n’existe pas ailleurs non plus apparemment On y fait connaissance avec notre deuxième fou de la journée. Enfin, fou, façon de parler. Ici, on l’appelle « le Suisse » et on dit de lui qu’il est six mois de l’année en Suisse et six moi sur la place. C’est surement vrai et c’est très drôle de le voir expliquer en criant à son auditoire bolivien ses analyses sur la situation politique de la Bolivie. Troisième fou de la journée : un palestinien bolivien de la première génération qui nous fait une présentation antisioniste, voire carrément antisémite, difficile à prendre au sérieux, mais avec conviction sur ces « ignobles juifs » qui ont pris le pouvoir partout sur terre ! La Bolivie est un pays incroyable !

Bien fatigué de la journée, nous voici enfin parti vers la maison-lieu associatif-dortoir-bibliothèque-école où nous allons dormir. Encore une quinzaine de minutes en taxi parce que c’est un peu excentré. Nous voici arrivé. Pour ce qui est du confort, c’est à peine au dessus du trou de souris : lit en paille et pas d’eau courante. Dans la ville de la guerre de l’eau, c’est un peu comble, mais cela nous permet de mieux nous rendre compte de ce qu’on nous expliquait peu avant : « l’eau, il y en aura peut-être demain matin ». Allez, au lit (de paille) et bonne nuit (avec les moustiques).




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Cochabamba : A la recherche de la guerre de l’eau (perdue)


Alors, la guerre de l’eau, c’est quoi ? Déjà faut savoir que Cochabamba, c’est la troisième ville du pays avec plus d’un million d’habitants, ainsi que la capitale de son département. Ensuite, savoir aussi que ce n’était pas vraiment une guerre, même s’il y a eu des morts. La guerre de l’eau, c’est une occupation des rues, des avenues et des administrations de la préfecture de Cochabamba par les paysans du département (et donc de l’équivalent d’une région française) et par les habitants de la ville. Faut dire que suite à la privatisation de l’entreprise publique de gestion de l’eau en 1999 les prix avaient sacrément augmenté pour les rats de la ville, et l’eau manquait pour les rats des champs, et surtout pour les habitants de la zone sud du Cercado (municipalité de Cochabamba). Et comme tout le monde avait soif, tout le monde s’est énervé, à juste titre ! En ville, c’est surtout ceux de la zone sud qui se sont mis en colère. Faut dire que pour eux, plus qu’une question de prix, le problème vient de l’accès à l’eau.

Là bas, ce sont 250 000 personnes, sans compter les souris, qui cherchent de l’eau. Enfin, c’est exagéré, mais c’est pour faire simple. Pour faire un peu plus compliqué, il y a quatre possibilités pour accéder à l’eau dans la zone sud. Si on vit dans un district (un quartier) où il y a un comité de l’eau (association des voisins formée pour gérer l’accès à l’eau, il y en existe aujourd’hui 140), on file un coup de pattes pour creuser et entretenir un « puits collectif », et théoriquement, on a accès à de l’eau pour pas trop cher. Sinon, faut acheter l’eau aux camions citernes qui parcourent les quartiers pauvres. Là, c’est presque dix fois plus cher. Certains comités de l’eau aimeraient bien avoir un puits, mais ils ne trouvent pas d’eau, ils achètent donc de l’eau aux camions-citernes, mais « en gros », pour la distribuer ensuite aux habitants. Ca revient un peu moins cher. Troisième option, l’eau en bouteille. Solution hors de prix et donc pas imaginable. Mais bon, faut bien boire. Et comme les sodas gavés en cholestérol sont aux même prix, devinez ce qui charme le mieux les papilles des enfants ? Enfin, on peut ne pas utiliser d’eau tout court. Mais bon, à moins d’être un chameau (au fait, combien de bosses ?), c’est plus le contraire d’une possibilité qu’une possibilité et de toutes façons, dans ces cas là, on ne tient pas très longtemps. Comme on dit: « Sin agua, no hay vida » (sans eau, il n’y a pas de vie). Et alors, pas de solution possible avec l’entreprise publique ? Avant la privatisation, il n’y en avait pas, 4 des 6 districts de la zone sud n’étaient pasconnectés au réseau. Pour aujourd’hui, on va voir ça !

Parce que finalement les gens ont gagné la guerre, l’entreprise privée (consortium dirigé par l’états-unienne Bechtel) est partie et l’entreprise publique a récupéré la gestion de l’eau de la ville. Nous, on est là pour voir, neuf ans après, comment les choses ont évolué. La guerre de l’eau, c’est tout un symbole.

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La Paz - Cochabamba : de l'altiplano aux vallées.

Nous voici de nouveau sur la route. Cette fois, au lieu de monter, on descend ! Chouette, on va être super en forme plus bas avec notre habitude de respirer à ces altitudes. On va descendre de la Paz, et de ses 3800 mètres (pour notre hôtel), à Cochabamba, située dans la région "des vallées" à 2500 mètres d'altitude, autant dire, presque rien. Officiellement 6 heures de bus d'ouest en est. En réalité, presque 8. Faut dire qu'on a pris le bus le moins cher : 24 bolivianos par tête, ce qui fait 2,4€. Oui, la Bolivie avec notre euro «trop fort » comme on dit dans les journaux, n'est pas ce qu'on peut appeler un pays cher. Le verre de jus d'orange dont Anna raffole est à 2,5 bolivianos. Faîtes le calcul (0,25 €) ! Et à midi, pour déjeuner, on trouve des almuerzos (soupe, plat et souvent dessert) pour 10-12 bolivianos (1-1,2€)! Mais bon, c'est comme partout, ici, c'est aussi dur (ou aussi facile), voire plus, d'avoir 2,5 bolivianos que d'avoir 2,5 euros en France...
Le trajet entre La Paz et Cochabamba, c'est quasiment 4 heures d'Altiplano dans un premier temps. Donc des plaines immenses sans arbres et avec beaucoup de poussière. D'ailleurs ici, le bois, c'est quelque chose de très, très, très rare. Ce qui me surprend un peu. A ce qu'on m'a raconté, y a de très grandes forêts en Bolivie. On m'a même dit qu'elle possède plus de 60% de son territoire en Amazonie. Moi qui croyais que c'était le pays des hauteurs, des Incas, des Andes, des moutons caniches qui crachent (les lamas) et de l'Altiplano ! En fait, en Bolivie, on dirait qu'il y a un morceau de chacune des parties de l'Amérique du Sud : montagnes, plateau arides, vallées généreuses,  forêts vierges, contrées désertiques et même zones viticoles (euh… il ne manque que la mer !). Niveau fruits, on trouve aussi bien des noix de coco, que des mangues ou des bananes, ainsi que des pommes, des fraises, du raisin, des oranges et des figues de barbarie. Tout est produit sur place.
Sur l'Altiplano, que nous traversons, les maisons, les enclos, les palissades et les églises, tout est  construit avec un mélange de terre et de paille qui forme des briques. C'est la technique de l'adobe. Dans certains endroits, comme au Honduras, couplée avec des fondations en bambous, elle permet même de construire des maisons antisismiques ! Génial comme technique, non ? Nos copains du vert solidaire, en parlent sur le blog. Pour moi qui ne suis pas habituée, l’Altiplano à la longue, c'est un peu tristounet quand même.
Puis la route commence à descendre vers les vallées, les toutes premières rivières apparaissent. Niveau végétation, c'est toujours la même chose. Pas grand chose à se mettre sous la dent. Si mes copines vaches du Mexique voyaient ça ! Et puis, ça descend encore, et encore. Et enfin, on croise le premier arbre. Nous voici arrivé à Cochabamba, capitale du département du même nom. Apparemment,  c'est le grenier de la Bolivie : 2500 mètres d'altitude, c'est l'équivalent de la Bretagne, mais sans la pluie malheureusement ou heureusement, je ne veux vexer personne. Ici, si on mange beaucoup (5 repas par jour) et qu'on dit des cochabambinos, les habitants du département de Cochabamba, qu'ils ne mangent pas pour vivre, mais qu'ils vivent pour manger, le vrai problème c'est l'eau. C'est pour ça qu'on y vient. On va rencontrer les acteurs de l'un des cas emblématique des mouvements socio-environnementaux en  Amérique latine, comme le dirait Anna : ceux de la Guerre de l'eau.



jeudi 17 décembre 2009

Soirée-débat : Souris de tous les pays, unissons nous !


Comme on était un second samedi soir à La Paz, on a décidé de sortir et de faire un peu la fête… Du coup on a été à une conférence-débat d’un philosophe supposément autodidacte sur le thème de la décolonisation. Bon, il s’agit d’une décolonisation à la javelle et en profondeur si j’ai tout compris ; enfin de ce que j’en ai compris, parce que j’ai pas tout compris, évidement. Anna a pris plein de notes là dessus et à ce qu’il paraît elle veut en faire un truc sérieux. Déjà que ça l’était, faire d’un truc sérieux un truc sérieux, ça doit donner mal au crane.

Donc le thème, c’était la décolonisation. Et ben, ça fait bizarre d’être le méchant de l’histoire pendant toute l’Histoire. Enfin je parle pas pour moi, en tant que souris grise, je me sens pas trop concernée. Pour faire simple, l’idée était que les méchants dans tout, ceux qui menacent la planète entière et qui, il y a quelques temps, ont tout cassé ici, sont là bas (c’est nous), et les gentils, qui sont le nouveau modèle et qui eux seuls peuvent la sauver, cette planète, sont ici (c’est eux). Hi, hi, hi. J’crois que de temps en temps, Anna et Jérémy auraient bien aimé être aussi petits que moi. Enfin, de temps en temps ça fait pas de mal, non plus, d’entendre ce genre de choses. Vous imaginez ce que je ressens quand on s’enfuit en courant devant moi ? Mais quand même, cela valait le coup d’entendre et de voir ça : si on n’avait pas l’habitude que cela soit aussi direct, pour bien des exemples données, on ne pouvait qu’être d’accord.

Peut-être qu’il aurait fallu un peu plus de nuances pour être plus dans le vrai… C’est ce que je pense. Pour le moment et pour ce que j’en sais, les souris boliviennes sont presque logées à la même enseigne que les souris d’Europe. Sauf qu’ici on leur dit que le gruyère est pour elles, et que tout le monde en aura. Alors qu’en Europe, on leur dit qu’il n’y plus de gruyère. Ceci dit, ici comme là-bas, le gruyère est quand même pour les autres. Juste qu’ici, contrairement à chez nous, on espère, apparemment sincèrement, agrandir le gruyère pour qu’il y en ait plus et qu’ainsi en augmentant la taille du gruyère, ceux qui n’en avait pas avant, en aient. Bon, moi j’ai des gros doutes, parce que de toute façons, c’est quand même toujours le même gruyère. Mais ça, c’est une autre histoire…

Souris de tous les pays, unissons nous !

NB : Voici les références du livre
Pensa Bolivia, del estado colonial al estado plurinacional
De Rafael Bautista S.

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mercredi 16 décembre 2009

« A malheur quelque chose est bon »

En plus de nous permettre de rester un plus longtemps à la Paz, le malheur d’Anna nous a permis de participer à un événement intéressant, qui a eu lieu le 9 et 10 décembre : le forum sur les autonomies des peuples originels (peuples des hauteurs : Aymaras, Quechuas (Incas), Uros, etc.) et indigènes (peuples amazoniens : Guaranis, Chuiquitanos, etc.), organisé dans un salon de l’hôtel Radisson, s’il vous plait. Bilan : on n’a pas bien compris ce que signifient pour de bon les autonomies indigènes, originelles et paysannes.
Faut dire que le format du forum avait de quoi surprendre. Une vingtaine d’intervenants, souvent universitaires et blancs, qui expliquent en termes technico-financiers pour la plupart comment les autonomies doivent fonctionner à un publique d’indigènes-originaires-paysans mâchant de la coca en revendiquant l’autodétermination et l’indépendance perdues, il y a bien longtemps maintenant, mais pas forcément pour toujours. Bon, je fais ma (souris) française et râle un peu trop ;-). On y a appris plein de choses. Historiquement, si les originels-indigènes ont toujours étaient mis de côté, il y a depuis 1992 des avancés au sein de la république de Bolivie. Suite à la marche «Territoires et Dignité » en 1990 des indigènes d’Amazonie, les Territoires Communautaires d’Origine (TCO) sont crées. C’est un premier pas. Aujourd’hui, on demande à des municipalités de se déterminer sur leur volonté de se convertir (ou non) en autonomies indigènes. Cela créerait un second statut en parallèle à celui des TCO, celui des municipalités indigènes autonomes, qui seraient organisées selon les us et coutumes ancestraux, y compris dans le domaine de la justice (communautaire).
Reste à savoir de quelle autonomie on parle. Il faut savoir qu’en même temps que les élections présidentielles du 6 décembre, il y avait les élections parlementaires, mais aussi des référendums sur les autonomies des départements (l’équivalent de nos régions), des régions (l’équivalent de nos départements pour faire simple, même si c’est pas vraiment ça) et sur les autonomies indigènes. Vont-ils avoir la maitrise des ressources naturelles se situant sur leur territoire ? Vont-ils avoir le contrôle de leur fiscalité, de leur système d’éducation et de santé? Quid des territoires défavorisés en ressources par rapport à ceux ayant du pétrole dans leur communauté ? Autant de questions posés qui sont restées sans réponse…Ou comme nous a dit notre voisin de la rangée de chaises dans la salle « l’autonomie ne se planifie pas, il faut la vivre ». A suivre.

mardi 15 décembre 2009

6 décembre 2009 : Evo de nuevo (Evo de nouveau)

Le jour des élections présidentielles, parlementaires, et portant sur les autonomies départementales, régionales et des municipalités indigènes, dans toute la Bolivie, il est interdit de se déplacer en voiture sauf autorisation spéciale et de vendre de l’alcool. Cela a pour conséquence de transformer la ville en une énorme zone piétonne. Et pour une ville comme la Paz, qui est en temps normal saturée de taxis et de minis, une sorte de Renault Espace mais de marque japonaise faisant office de transports en commun, c’est pas vraiment désagréable. Un poil (de souris ?) dur de se déplacer, notamment pour aller voir les gens voter. Du coup, on s’est cantonnés à faire le tour de notre quartier. Ici, comme ailleurs, on vote dans les collèges. Niveau organisation, mise à part le fait de tremper sa patte, heu son doigt, dans de l’encre, c’est la copie conforme de ce qui se fait dans le bureau de vote où je votais dans le 11ième à Paris. Et oui, les souris aussi, ça vote. Et ici, tout le monde a été d’accord pour dire que ces élections ont été exemplaires et historiques. Historiques pour le taux de participation de 94% et par le score (64%) du couple Evo Morales /Alvaro Garcia Linera : le syndicaliste autodidacte indigène aymara-uros et l’universitaire (qui se dit aussi autodidacte) révolutionnaire blanc. Ici, on vote toujours pour un couple présidentiel. En face, comme principal opposant, on trouvait le couple Manfred Reyes Villa ouvertement homophobe et ancien militaire, actuellement en prison, accusé d’un massacre dans le département du Pando  ! Bref, ce n’était pas trop dur de gagner. Mais avec plus de 62% au premier tour et plus des trois quarts des sièges à la nouvelle Assemblée Plurinationale (chambre basse et sénat), le MAS va avoir les mains libres pour transformer le pays comme il souhaite le faire. De ce que j’ai compris, ils voudraient développer un modèle de capitalisme andin et amazonien avant d’accéder à celui de socialisme du XXIème siècle. Comme aucun de ces concepts n’est clair, du moins pour moi, y a plus qu’à !
Bon, la foule présente, même si à notre surprise n’est pas très nombreuse (500 personnes ?), interdiction de se déplacer oblige, est hyper euphorique. Sur la place Murillo, à côté du parlement et du palais présidentiel, tout le monde attend le discours d’Evo en buvant de la bière. Ben oui faut dire que l’interdiction de vendre de l’alcool est courageusement bravée par une myriade de vendeurs ambulants. Enfin, voilà Evo qui nous fait un discours enflammé, peut-être un brin politicien, de 15 minutes. Mais c’est quand même rare de voir un chef d’Etat lancer à la foule : « Mes sœurs, mes frères… » Puis tous ensemble (Ouais !) nous regardons le feu d’artifice qui me fait un peu peur. La plateforme de lancement est quasiment au milieu de la foule. Puis s’en suit ne bonne fête : musique et dance au programme. J’ai même pu voir Alvaro (ici on appelle les hommes politiques par leur prénom) danser avec un gros poulet. Jérémy m’a expliqué qu’en fait c’était un condor et que dans toute la partie andine de l’Amérique, c’est un oiseau sacré ! N’empêche, j’ai bien rigolé, tous ceux qui étaient là aussi.


Allez en coeur : Evo de nuevo ! Evo de nuevo !

La Paz, la paz ?

A La Paz, nous y restons 9 jours à courir de quartier en quartier et donc de haut en bas, toujours, pour y rencontrer, là des amis de France qui nous expliquent la situation politique du pays, ici des amis espagnols qui nous éclairent sur les projets industriels dans le Salar d'Uyuni et aussi des amis boliviens, bien sûr. Au détour d’une de ces rencontres, Anna nous fait très peur. Alors qu’elle regardait un défilé imprévu dans la rue, une voiture lui a roulé sur le pied.


Direction la clinique où la pauvre souffrira pendant quelques heures.  Heureusement, plus de peur que de très mal mais du mal quand même. En clair : rien de cassé. Faut dire qu’ici, les piétons ne sont pas vraiment prioritaires sur la route et que le klaxon ne sert qu’à les faire courir plus vite ! Quoiqu’il en soit, nous voici un peu coincés dans la capitale bolivienne pour quelques jours, le temps de refaire un contrôle pour voir comment évoluent les multiples tendinites et inflammations de son pied. Cela dit, la situation pourrait être pire. Déjà, le pied pourrait être brisé en mille morceaux au moins, ce qui n’est pas le cas. Même pas un ! Ensuite nous pourrions être ailleurs que dans cette capitale bien surprenante et agréable à vivre parait-il. Du moins, nous, on a bien aimé.

A La Paz, on a soufflé (très) fort dans les montées, mais on s’est régalés de vues sur des montagnes de plus de 6000m. On a essayé de descendre dans les bas quartiers et donc dans les quartiers riches, mais on n’y a rencontré qu’une rivière d’égouts. Pas assez bas ! En fait l’organisation de la ville est la suivante : la Paz est construite dans un canyon, au premier quart du petit plat de la vallée, on trouve la plaza San Francisco, c'est-à-dire le quartier où on a vécu. De part et d’autre de cette place, il y a les anciens quartiers, le colonial et l’indien. Il y reste quelques beaux bâtiments, qui tirent un peu la langue et qui sont peu à peu remplacés par d’autres, plus modernes, mais moins charmants. Autour de ses deux quartiers, en montant, on a des quartiers populaires, voire très populaires… En descendant, on trouve dans cet ordre, le quartier des bureaux (El Prado), Socopachi, un quartier où on trouve des ONG, des expatriés, des habitations résidentielles, des bars et des restos sympas… ainsi que des jeep écraseuses de pieds… Plus bas encore, bien plus bas, c’est la partie sud de la ville : centre commerciaux, immeubles modernes et autre quartiers des affaires : climat plus doux et respirations moins haletantes. Y parait même qu’il y a des bars et des restaurants avec des terrasses !


Alors La Paz, la paz ? Ben, même si je trouve que ça sonne bien, la Paz c'est bien mais ce n’est pas vraiment la paix.
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samedi 12 décembre 2009

Bolivie : De Copacabana à La Paz

Pour aller de Copacabana à La Paz, on commence par une petite route qui serpente à 4000m d'altitude avec quelques précipices propices à la chute. Heureusement, il ne sont pas trop nombreux et ce n'est pas non plus la route de la mort qui elle aussi est en Bolivie. Brrr, j'ai pas hâte de la prendre. Une fois sortie de cette portion, on longe le lac Titicaca, puis on embarque sur un bac. Camion, bus, souris et humains : tous ensemble ! C'est assez rigolo. Puis la route accède à un plateau qui file tout droit jusqu'à El Alto. En fait La Paz et El Alto sont les deux villes qui constituent la capitale, même si administrativement, la capitale c'est la Paz.
El Alto, c'est la ville des paysans aymaras venant de l'alti-plano : 4150m d'altitude, 800 000 habitants.
La Paz, c'est la ville de ceux qui étaient là avant et des administrations : ministères, parlements, présidences, banque centrale, etc. La Paz, 800 000 habitants aussi, c'est un dénivelé de plus de 1000 mètres entre les quartiers hauts à 4000m contigus à El Alto et les quartiers riches, en bas à 3000m. Ben oui, à ces hauteurs, le climat est plus clément en bas et surtout, on y respire mieux !
Nous y arrivons en fin d'après midi, sous un ciel couvert. Ici, il pleut en moyenne 20 jours sur le 31 que compte le mois de décembre...

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mardi 8 décembre 2009

La Bolivie, c’est le Pérou !

Voilà le fin mot de cette stupide devinette de souris. En fait à l’époque des espagnols, la Bolivie, c’était le Haut-Pérou. Et l’expression « c’est le Pérou » fait référence à Potosi, la montagne d’argent pour les Européens, de sang pour les aymara, quechuas et les autres qui vivaient déjà sur place. Dans cette ville impériale, on recouvrait les rues de pavés d’argent pendant les processions religieuses. Et les galeries des mines de sang. Parce qu’il y en avait de l’argent à Potosi. Y en a même qui disent que tout cet argent fut l’un des moteurs du capitalisme dans sa jeunesse. C’est aussi probablement le fameux El Dorado tant cherché à l’époque. A la grande ou funeste époque, c'était la deuxième ville la plus peuplé du monde derrière Paris! Bref, la Bolivie, « c’est le Pérou ».

Ben alors pourquoi Bolivie et pas Haut-Pérou ? Parce que Bolivar, tiens ! Et nous y voici. Bon faut dire que comme nous sommes toujours sur les rives du lac Titicaca, que tout le monde parle les mêmes langues que de l’autre côté de la frontière, cela ne change pas grand-chose en apparence.

Enfin, une fois la frontière passée, direction Copacabana, dont j’ai déjà parlé.


En y arrivant, j’ai un coup de cœur de souris : c’est pas gros, mais ça bat vite un cœur de souris. Ici, personne ne s’enfuit en courant en me voyant, c’est un signe ! « Aqui no pasa nada, esta bien ». « Ici, ils ne se passe rien, c’est bien » nous dit un restaurateur. Bien. On y passera donc une nuit tranquille et une matinée au diapason. Le matin, c’est encore plus beau. Ce lac Titicaca, il me rappelle la méditerranée. Et le bleu du lac fait écho au bleu des drapeaux du MAS (Movimiento al socalismo), le parti-instrument politique d’Evo Morales. Ici tout le monde est pour lui. Evo, comme on dit ici, c’est le futur nouveau ancien président de la Bolivie Mais cela c’est une autre histoire.
Avant de reprendre le bus pour la Paz, on s’essouffle en montant sur une colline inca. A cause de 3800 mètres d’altitude, la montée est dure, mais la vue d’en haut en vaut la peine. Faut dire que je me suis faite porter sur la fin. Mais chut ! Un petit tour au port, un bref passage par la magnifique cathédrale baroque et on embarque. Hasta luego Copacabana.


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lundi 7 décembre 2009

Le Pérou ... Ce n'est toujours pas le Pérou.

Et voilà, nous sommes trois. Jérémy nous a rejoints, ou plutôt, nous nous sommes rejoints à Lima. Au passage, cela n'a pas été si évident que cela parce qu’officiellement à l'extérieur du Pérou, il faut un billet retour ou un billet de sortie du territoire pour franchir la frontière. Je dis à l'extérieur, parce qu'une fois au Pérou, personne n'en a entendu parler.

Du côté de Jérémy, à Madrid, une hôtesse d'Iberia lui a refusé l'enregistrement à 2h du décollage sur ce motif. Cela s'est solutionné en changeant d'hôtesse et évidement il n'y a eutaucun problème au Pérou. Pour Anna et moi, cela a été un peu plus compliqué, et alors qu'aucune solution n'avait été trouvée et que le vol Mexico-Panama-Lima était fermé, le responsable de la Copa nous a finalement transformé notre allé simple en allé/retour en doublant le prix du billet au passage et en jurant que celui ci serait remboursable à Lima. Tu parles : "No se puede reimbolsar la vuelta de un round-trip, senora !». Aie. Du coup la seule chose qu'on ait pu faire grâce à notre imagination, a été de transformer ce retour "Lima-Panama-Mexico" en "Colombie-Panama».

Et oui, nous avons donc pu acheter grâce à la Copa un round trip "Mexico-Lima Colombie-Panama», le billet Colombie-Panama étant le billet de sortie du territoire péruvien.
Évident, n'est-ce pas ?

Bref, nous avons passés trois jours à Lima, "la ville la plus triste de la terre" dixit Herman Melville. Et pour cause, une mégalopole tentaculaire de 8 millions de personnes (un cinquième des Péruviens) embouteillée, polluée et baignant la moitié de l'année dans la garua (l'équivalent du frog londonien), une bruine extrêmement fine venant de la mer et sentant le poisson. Bon, j'exagère, il y a des quartiers riches aussi à Lima. Les seuls où l'on peut se balader. Les seuls verts aussi, puisque Lima est bordé par un désert. Un sacré désert d'ailleurs. Au Pérou il faut franchir les 4000 mètres pour voir de l'herbe poussant naturellement en Bretagne. J'ai fait une photo un peu plus pas.
Et donc, à Lima nous nous sommes baladés dans le centre où les tanks de l'armée protègent le siège social de la compagnie de pétrole Petroperu. On-t-il des choses à se reprocher ? Moi j'aime pas les armes de toutes façons. Puis direction le quartier de Miraflores, une municipalité aisée faisant partie de l'agglomération de Lima. J'y ai retrouvé mes amis les vaches que j'ai trouvé un peu figées. J'ai aussi récupéré du décalage horaire en regardant pensive la vue de la fenêtre d'Ernesto, un ami péruvien, qui fait des documentaires passionnant.

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Comme le but de nos retrouvailles à Lima était de monter progressivement en altitude vers La Paz en Bolivie (4000m) afin de s'acclimater, notre première étape à trois fut Lima-Arequipa : 15h de trajet, dans un bus. Cela parait dur, mais selon les bus, on se retrouve en fait dans un avion-bus avec siège-lit : hôtesse, plateau repas, siège hyper inclinable. Et nous sommes arrivés à destination, relativement frais. Pour ma part, cela n'a pas été difficile. J'suis pas très grosse !



Arequipa, c'est la ville blanche. Une ville déjà perchée à 2400m d'altitude. Une ville qui est belle et qui est fière de l’être. C’est sur. Du haut de la terrasse de notre hôtel, j’admire un magnifique coucher de soleil. Plusieurs jours d’affilé, puisque nous y sommes restés pendant 4 jours. Au menu : boulot sur le PC à l'aide d'un réseau wifi accessible d'un des angles de la terrasse de l'hôtel, spectacle de manifestation vu du toit, etc. Avec au passage, Jérémy et Anna qui ont mangé n’importe quoi et qui sont tombés malades : fièvres et toilettes. Heureusement, ils avaient avec eux les médicaments qu’ils faillait. Quand je leur dis de ne pas manger autre chose que du pain et du fromage, ils ne m’écoutent pas ! Et pour les trucs bizarres, ici, il y a le choix : cochons d’inde, lamas et alpagas ... accompagné sde Kola Français (Kola Francesa); il y a même une petite Tour Eiffel dessinée dessus !


Nous sommes le 3 décembre et il est temps de partir en direction de la Bolivie si nous voulons y être pour les élections présidentielles et législatives de dimanche prochain. Première portion du voyage : Arequipa-Puno, 5 heures de transports, en passant par de cols à 4800 mètres. Ca peut paraître impressionnant mais en fait, il s’agit de plateau collineux rempli de gentils lamas et autres alpagas, des cousins éloignés du mouton, mais qui en plus du mouton, crachent. J’aimerais bien savoir cracher moi aussi, pour se défendre. Et puis, une souris qui crache, ça surprend, non ?
Enfin, nous arrivons à Puno, une ville de 50 000 habitants au bord du lac Titicaca où nous buvons un maté de coca pour faire passer le mal des montagnes.


Et nous voilà parti pour la frontière, direction Copacabana. Moi qui croyais que c’était une plage du Brésil, j’apprends que c’est une petite ville bolivienne des bords du lac Titicaca. L’histoire, c’est qu’un marin bolivien aurait prié la vierge de Copacabana lors d’une tempête, pendant laquelle les rats (et les souris) quittent le navire, au large des côtes brésiliennes. Voilà pourquoi la célèbre plage de Rio se nomme ainsi.
La route que nous empruntons pour y aller est magnifique. Ici, ça contraste avec le reste de ce que j’ai vu au Pérou. L’herbe y est épaisse et les nombreux copains veaux, vaches, cochons, lamas, alpagas qui la broutent semblent avoir l’embarras du choix sur le menu du jour : herbe fraiche, herbe sèche, herbe humide, etc..


Enfin, nous sommes à la frontière. Si des européens, des israéliens, des états-uniens (maintenant que je suis en Amérique, et que je sais qu’il y a des américains qui ne vivent pas aux États-Unis, je dis « états-uniens »), des australiens, des néo-zélandais, des canadiens, ce qui amuse le plus les douaniers, c’est quand même la petite souris française !


Au fait, pourquoi le Pérou n'est pas le Pérou ?
Réponse prochainement !

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Kri kri
Irkita

mardi 1 décembre 2009

Le Mexique est un grand pays , 2ième partie.

Irk,

Après un bref passage par Veracruz sur la côte atlantique, Anna et moi avons filé encore une fois avec un bus de nuit vers San Cristobald de las Casas, connu entre autre pour avoir été une des villes prise par l'armée zapatiste de libération nationale (EZLN) en 1994, lors du début de l'insurrection indigène au Chiapas. J'ai pas trouvé de cache montagne à me mettre ! Mais je n'en dirai pas plus, discrétion obligée...


Après un passage dans une communauté proche de la frontière guatémaltèque, et un bref retour à San Cristobald de Las Casas, avec un bus (de nuit évidement) nous avons filé vers Oaxaca. De là, pas de répit et direction l'isthme Tehuantepec (apparement, c'est un mot Zapoteco). Si à Chichicuautla, mes copains les cochons mordaient la poussière, ici, mes copines les vaches broutent dans des forêts d'immeeeeeeeeenses ventilateurs. A ce que j'en ai compris, c'est l'herbe ou le ventilateur.


Étapes suivantes : El Salto, dans la banlieue de Guadalajara. Là bas, c'est un peu comme pour les cochons mais avec les humains. On nous explique qu'ici on meurt pour avoir respiré le mauvais jours les mauvaises vapeurs d'eau.
On nous montre de la jolie mousse plus grande que les grandes personnes qui nous accueillent. Mais cette mousse n'est jolie qu'en apparence parce qu'en réalité elle est terriblement toxique.
Il paraît que dans d'autres villages, on se lève tôt le matin pour faire parfois 4h de transport pour aller travailler dans les maquiladoras d'el Salto. Ici,  l'expression "nacimos para morir" (nous naissons pour mourir) comme aiment à la répeter les Mexicains prend tout son sens. Brrrr, j'en ai encore la chair de souris.
Mais les amis qui nous accueillent ici ne baissent pas les bras et ne veulent pas de cette fatalité. On en parle un peu sur aldeah.org


Pour en finir cette fois-ci, nous faisons un tour dans la dernière forêt d'el DF (Mexico), dans la délégation Magdalena Contreras. Et peut-être plus pour très longtemps. Et pour cause, cette petite ville de 26 millions d'habitants manque cruellement de place, et surtout de routes, toujours de nouvelles routes pour toutes ces voitures de toutes ces personnes... Et puis il y a ce riche voisin, Santa Fe, l'une des municipalités les plus aisées de l'Amérique latine qui a une forte envie de s'étendre... Il y a tellement d'espaces verts à el DF (c'est de l'ironie), qu'un projet de super autoroute risque de réduire cette forêt à néant. Pourquoi faire ?
Sincèrement, la petite souris que je suis ne comprends pas toujours très bien la logique des grands humains.


Et maintenant direction Lima au Pérou pour rejoindre Jérémy.

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Kri kri
Irkita