mardi 26 janvier 2010

17-01-2010 : Cerro de Pasco, la ville trouée.

En tant que souris, et c’est quelque chose que je répète souvent parce que je n’en reviens toujours pas, ayant découvert qu’il n’y avait pas de trous dans le gruyère suisse, leur présence dans le gruyère français n’en finit pas de me bouleverser. Pourquoi gâcher du fromage pour une pseudo raison identitaire ? Je trouve cela au moins absurde et au plus criminel. C’est à peu près la même chose avec le trou du Cerro de Pasco (absurde et criminel, sans raisons identitaires cette fois-ci…).

Cerro de Pasco est la ville possédant le privilège d’être proclamée « la plus froide du pays ». C’est ce que nous vérifions suite à une ascension comme il n’en existe probablement que dans cette partie du monde : quelques 200 kilomètres et 4338 mètres de dénivelé (et jusqu’à 4800 quand on grimpera sur les hauteurs, un peu plus tard) en 8 heures de trajet seulement. A la sortie de la nuit de bus, le jour commence à peine à se lever, et on grelotte en respirant comme on peut dans l’atmosphère glacée et pauvre en oxygène du petit matin : bienvenue à Cerro de Pasco ! Heureusement, pour nous accueillir, un caldo de gallina, un bouillon de poulet accompagné d’un œuf dur, nous attend et nous réchauffe. Parait-il que c’est énergétique. De toutes façons, pas trop le choix, c’est la seule chose qu’il y a, alors même moi j’en mange : une souris mangeant du poulet, gare à la souris folle !


Nous voici donc dans la ville minière la plus haute du monde. C’est probablement aussi l’une des mines les plus anciennes et profondes. Ici, comme on aime à le dire pour plaisanter, la place centrale de la ville est un trou … de 1,8 km de diamètre et de plus de 1000 mètres de profondeur qui n’en finit plus de se creuser depuis 54 ans (la mine, auparavant souterraine, existe a Cerro de Pasco depuis plus de 400 ans). Il faut le voir pour le croire et même si j’ai l’habitude de voir les choses en grand en raison de ma petitesse, la mine de la Volcan Mining Co est véritablement gigantesque. C’est une chose incroyable. Sur le moment, cela parait tellement irréel qu’on à peine à comprendre ce que l’on voit. Quelle folie !
Et inévitablement, qui dit mine, surtout si elle est à ciel ouvert et d’autant plus lorsqu’elle se situe au centre d’une ville de près de 80 000 habitants, dit montagnes de déchets. Ce qu’on enlève de quelque part, il faut bien le mettre ailleurs. Et dans le cas de Cerro de Pasco, les montagnes de déchets sont à l’échelle du trou : immenses. Pour faire simple, le centre de la ville en est cerné, de même que de déchets ménagers - tant qu’à faire, autant accumuler (c’est une des leçons du capitalisme, non ?) ! Ici, on bat les records de pollution, au grand plaisir des mes copains – façons de parler – les cochons, qui se goinfrent de déchets contaminés. Parfois, je comprends certaines religions ou pratiques alimentaires humaines, d’autant plus que la viande, mise à part celle de poulet lorsque je n’ai pas le choix, ce n’est pas trop mon morceau de fromage.
Tout cela n’aurait pas été aussi terrible si les amis qui nous reçoivent et qui luttent pour un peu plus de respect dans ce monde de brutes et de métaux lourds, ne nous avait pas montré la campagne environnante. Il y a un recto et un verso à Cerro de Pasco. Recto, c’est la mine, qui dévore la vie et qui peu à peu a grignoté toute la partie coloniale de la ville, la vielle ville, comme on dit ici, et aussi ceux qui y vivent. Bientôt, lorsque les derniers qui résistent auront craqué, à moins que cela soit d’abord leur maison qui craque et qui tombe dans le trou comme c’est déjà arrivé, il ne restera plus rien et le trou sera partout. Un projet de « déplacement » (reconstruction) de la ville à une vingtaine de kilomètres de là est même déjà prévu… depuis les années 1970. Pour certains c’est un drame, au moins humain, quand il n’est pas aussi financier, de devoir abandonner leurs maisons à la mine vorace, tout cela parce qu’il y aurait des minerais sous leurs fondations. Cela dit, face à la pollution et au danger, leur laisse-t-on vraiment le choix ? Oui, nous répondent nos amis. On peut décontaminer et mettre en valeur le développement agraire, basé sur l’élevage d’alpagas et de ses produits dérivé : laine, produits tissés, viande, etc…


Et il y un verso, vert-bleu, plein de cours d’eau bleu-nuit et de petits lacs parsemant une campagne moucheté du blanc et du noir des abondants troupeaux d’alpagas (20 000 bêtes) appartenant aux communautés environnantes. Un peu plus loin, se trouve le bosquet de pierres, une formation géologique impressionnante faisant penser à un décor de cinéma. A côté de celle-ci, un centre touristique, c’est-à-dire de loisir, pour les gens de la région, dans lequel les attendent des bains naturels alimentés par des sources d’eau chaude, un coin inca à ce qu’il se dit.


Après la visite, alors que je grignote un morceau de pain, impossible pour Anna & Jérémy de résister à l’envie de gouter au fameux pachamanca qui était en préparation le matin lors de notre arrivé. Apparemment, ils ont bien aimé cette recette traditionnelle dont la principale caractéristique est d’être cuite dans une sorte de four portatif (si on a une grosse brouette). On fait une sorte de puits à l’aide d’un tas de pierres dans lequel on met les aliments. Puis, on recouvre le tout de cendre chaude et d’une bâche ou de ce qui traine sous la main, afin de conserver la chaleur. La cuisson est ainsi entre le four et la vapeur.


Repus, nous partons parcourir la ville à la recherche de la richesse tant promise par l’entreprise minière, dont le principal argument, pour prouver sa bonne foi face aux ONG et aux mouvements sociaux qui se plaignent de la pollution est de dire « la mine, c’est le développement », « la mine, ça donne du travail », « la mine, c’est la richesse ». 400 ans d’exploitation minière ont donc du transformer la ville en un palais, en une ville opulente comme l’affirme le blason de la cité. S’il vrai que les pouvoirs publics locaux et nationaux et la presse locale ont du constater un certain développement de leur porte-monnaie et que Christian Dior a ouvert une succursale en ville (si, si, regardez les photos), le résultat n’est pas brillant : tas d’ordures, rues défoncées, murs décrépis et maisons chancelantes. Tout n’est que destruction et pollution. Cela dit, les gens ont du travail, mais à quel prix ? C’est cette question que se posent nos amis sur place et c’est dans l’optique de changer ce modèle de développement destructeur qu’ils vont se présenter aux élections régionales de cette année. On croise les doigts pour eux. Les montagnes sont tellement belles ici.

Par acquis de conscience et histoire de donner encore une autre chance à l’industrie minière et aux entreprises apporteuses de progrès, le soir venu, nous prenons la direction de la fameuse ville de la Oroya, un des 10 sites les plus pollués du monde selon la Blacksmith Institute. La logique voudrait donc que cela soit aussi une des 10 villes les plus riches du monde, non ?


Traduction du contenu de la vidéo

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dimanche 24 janvier 2010

10, 11, 12, 13, 14, 15, 16-01-2010 : Lima, pas si mal !

Lima, on connait et - si vous me lisez depuis le début - vous connaissez un peu aussi. Lima c’est pollué, c’est la grande ville sale, avec des quartiers très riches et des quasi-bidonvilles, parfois, ça sent le poisson et, même en été, le soleil y fait rarement son apparition en raison d’une bruine épaisse, la garua, ressemblant au frog londonien. Bref, pas grand-chose pour plaire, rien de touristique et rien pour elle, cette pauvre ville qui s’est même vue qualifier de « plus triste de la terre » par Hermann Melville.



Et pourtant, aujourd’hui, installée dans un hôtel d’espion avec vue sur la porte principale du palais présidentiel (si si, c’est vrai) et contre toute attente, je suis contente d’être ici et d’y passer une semaine ! Notre quartier a de quoi faire rêver, malgré l’omniprésence policière - proximité avec le cœur du pouvoir oblige - qui fait parfois croire que nous sommes dans une dictature militaire, nos rencontres sont à chaque fois plus enrichissantes, et l’humeur d’Anna & Jérémy se retrouve à l’image de la gastronomie péruvienne qui n’y est pas pour rien : excellente !


Ce fut quelques jours bien chargés. Ici, les dirigeants des organisations sociales qui nous reçoivent prennent rendez-vous pour nous en téléphonant eux-mêmes aux personnes avec qui ils nous mettent en contact. Au Pérou, on prend rendez-vous la vieille pour le lendemain avec des responsables, qui nous reçoivent malgré leurs emplois du temps chargés, parfois à 7 heures du matin, c’est vrai. On a droit à des cours d’analyse géopolitique, des rappels historiques sur le pays, à des conférences privées. A raison de une, deux, trois fois par jour, en cinq jours, nous avons rendez vous avec quasiment l’ensemble de la société civile péruvienne. En une semaine, nous avons rencontré toutes les personnes que nous souhaitions rencontrer et nous nous sommes régalés à chaque repas.


Sur le fond, c’est un pays qui se situe aux antipodes de la Bolivie où nous étions il y a peu. Le gouvernement d’Alan Garcia, reconnu pour son néolibéralisme scolaire, se situe bien loin de celui d’Evo Morales. Ici, pas question de nationaliser les ressources stratégiques ou bien de créer une retraite pour tous. Rarement un pays aura été livré autant aux entreprises : pas de transports publics (ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de transports collectifs), très peu d’hôpitaux, dont certains ne sont accessibles qu’aux personnes bénéficiant d’une mutuelle, des prisons gérées par des entreprises et un système d’éducation pas terrible en dehors des établissements privés.

Autre exemple, avant le gouvernement d’Alan Garcia deuxième épisode (il avait déjà été président de 1985 à 1990), il y avait déjà bon nombre de concessions minières et pétrolières. Mais comme cela n’était pas suffisant, religion libérale oblige, aujourd’hui, entre les concessions minières de la Côte et des Andes et les concessions pétrolières de l’Amazonie et de la mer, plus de 60% du pays a été découpé en morceaux que les multinationales vont pouvoir se partager comme une famille de souris se partagerait une meule de gruyère. Bien entendu, tout cela se fait sans se préoccuper « des asticots » qui y vivent. C’est en substance ce que pense le Président du pays « des primitifs » qui vivent dans son pays. On leur à donné des terres fertiles et abondantes et ils ne sont pas capable de les mettre en valeur ! Lucide, il explique dans un article publié dans El Comercio, l’un des quotidiens de référence du pays, que c’est parce qu’ils n’ont pas de capital pour le faire. Alors, tant pis pour eux, on va leur enlever leurs terres et la donner à ceux qui en ont (du capital). Logique et orthodoxe, non ?

Bien entendu, ça gronde dans les chaumières, si bien qu’une alliance entre les résistances andines aux mines existantes et à venir et celles de l’Amazonie à l’industrie pétrolière et forestière est en train de se dessiner. C’est avec ce fil directeur que nous avons prévu de parcourir le pays, des mines à ciel ouvert situées à plus de 4000 mètres d’altitude jusqu’au département d’Amazonas, tristement célèbre depuis le massacre du mois de juin 2009 . On se rend ainsi compte qu’au final, dans un pays comme le Pérou, les mouvements sociaux sont en pleine construction et se constituent en force de proposition, en comparaison avec le relatif attentisme de ceux que nous avons rencontrés en Bolivie. Une partie de la vérité est que nous sommes ici en plein dans la tourmente. Faut-il en déduire qu’il faille être en danger pour être plus créatif ou bien d’autres facteurs expliquent cette émergence d’acteurs sociaux de poids? Assiste-t-on aussi quelque part à un ballet politique pré-électoral avec de nouveaux acteurs politiques ? C’est ce que nous aimerions découvrir.


En plus d’assister à des conversations passionnantes, en suivant mes deux camarades dans leur parcours du parfait petit militant à Lima, j’ai aussi pu découvrir un peu mieux la ville.

Finalement, la partie centrale coloniale de la ville est bien plus plaisante que dans mes souvenirs, dans lesquels elle était ce genre de mégalopole tentaculaire inhumaine avec un centre historique décrépi, noirci par les pots d’échappement et méprisé par ses habitants et par les touristes. Faut dire à la décharge de mes souvenirs que de grands travaux de réhabilitation de la ville dans son ensemble et du centre coloniale en particulier ont été entrepris par la municipalité qui a redonné à ces vieilles bâtisses leur lettres de noblesse.

Cela dit, nous ne sommes quand même pas dans un village champêtre et bucolique, mais bel et bien dans une agglomération gigantesque de 8 millions d’habitants - quasiment un tiers des habitants du pays ! Ce qui fait dire aux habitants du Pérou que leur pays est monocéphale.

En réalité, comme pour tous les monstres de la planète, il ne s’agit pas d’une seule et unique entité administrative. Elle est constituée de 41 districts municipaux, d’urbanisations, voire même d’un morceau d’une autre région, ayant chacun leur maire, leur mairie, leurs habitants, etc. Le plus grand d’entre eux héberge plus d’1,5 millions de personnes et est considéré comme le plus grand d’Amérique du sud ! A la tête de toutes ces entités, on trouve le maire de Lima, qui est de fait à la fois un président de région et le maire du centre ville.

Pendant quelques jours, nous faisons notre nid dans un centre colonial rafraichi et agréable à voir. Le processus de gentrification est en marche. Je suis prête à parier que le centre ville, le Cercado de Lima, sera bientôt un des endroits le plus en vue de la capitale alors que jusqu’à peu il était bon ton de s’en moquer. En plus des belles bâtisses coloniales chargées de balcons et des immeubles années 1970 dignes de la cité des 4000 à la Courneuve, on y trouve en vrac : au fond des cours, des natives en jupe très courte (en peinture), le quartier chinois, des playa(s) qui sont en fait des parkings à voitures et des vendeurs de chiots ambulants. Oui, oui, tout ça, et beaucoup plus !


41 districts ? Nous en avons visité quelques-uns. A côté du Cercado, se trouve Barrios altos et en face, de l’autre côté du fleuve Rimac, le quartier du même nom. Rimac, c’est l’autre quartier colonial, pas encore retapé, pour sa part. Il reste à l’image de ce qu’était le centre avant. Un endroit où le guide du routard déconseille d’aller, sauf en groupe. Question : est-on un groupe à deux humains et une souris ? En descendant vers la côte, on trouve ensuite les quartiers populaires de la Victoria, de Breña, de Lince, de Santa Beatriz.
Plus proche du littoral et plus « classes moyennes », il y a Pueblo libre et Jesus-Maria. Oui, oui, c’est le nom d’une ville !


Directement sur le bord de mer, Callao est le port et l’aéroport de Lima : quartier peu sur et sentant le poison en raison de la présence d’usines de farine de poisson. Beurk ! En prenant la direction du sud, on trouve la Magdalena, San Isidro, qui est le quartier le plus riche et le plus prestigieux de la ville. Puis vient Miraflores, lui aussi riche, avec de grands immeubles à l’occidentale et des plages. C’est le quartier dans lequel la majorité des touristes résident lorsqu’ils sont à Lima. On y joue aux échecs dans la rue et on y mange des « sandwichs Miguel ». On y passera aussi trois nuits en couchant chez mon copain Magno.


Et enfin, dans la continuité de Miraflores, Barranco, le quartier des bars, des concerts, des plages et des surfeurs. Si ce terme signifié quelque chose pour le Pérou (au dela de « barranca », ravin), ce serait le quartier bobo de la ville.


Finalement, en revenant au centre de la ville et en prenant le « route centrale » pour sortir de Lima, on traverse l’immense et populaire, voire pauvre, Ate, suivi de Chosica, plus riche. C’est par là que nous passons, en bus de nuit, cela va de soit, pour nous enfoncer littéralement dans les entrailles du pays, à la découverte de deux des endroits les plus pollués sur terre situés respectivement à 4500 et à 3900 mètre d’altitude : le Cerro de Pasco et la Oroya.

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PS : Si quelqu’un cherche l’article El perro del hortelano, étrangement plus accessible sur le site d’El Comercio, je peux le leur faire parvenir.

07, 08-01-2010 : Arequipa, après la Bolivie.

Il y a comme un côté « casa, dulce casa » à revenir à Arequipa. C’est déjà la troisième fois. La première remonte à un précédent voyage, il y a plus de trois ans. La deuxième fois, c’était avant la Bolivie, il y a quelques semaines déjà.
Nous y retrouvons le même ciel bleu, la même pierre blanche, le même hôtel, les mêmes autoproclamés par nous-mêmes « plus beaux couchés de soleil d’Amérique latine jusqu’à preuve du contraire » et surtout, surtout la même « meilleure gastronomie du continent » et tant pis pour la susceptibilité des autres pays : des soupes de pommes de terre noire (chuño molido) aux gâteaux dignes des meilleurs pâtisseries parisiennes, au Pérou, Anna & Jérémy se régalent pendant que moi, au lieu de ronger mon frein, j’imagine que je ronge le fromage que je n’ai pas parce qu’à ce niveau là, sans chauvinisme, la France pour une petite souris, c’est le top derrière la Suisse, il faut bien le dire. Pourquoi ? Parce que dans le gruyère suisse, il n’y a pas de trous, et il y a donc plus à manger !

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07-01-2010 : Desaguadero du côté Péruvien

Mise à part la file d’attente pour accéder au coup de tampon dans le passeport, la région du lac Titicaca du côté péruvien ressemble beaucoup à celle du côté bolivien à quelques détails administratifs près : drapeau, monnaie, etc… Quand on voit les mêmes « doubles tresses » d’un côte et de l’autre de la frontière, on ne peut s’empêcher de penser aux notions de nation, d’Etat, d’Etat-nation et on comprend un peu mieux le concept d’état plurinational bolivien ou équatorien.


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jeudi 21 janvier 2010

[MAJ] 06-01-2010 : Corocoro, Chapeau melon des champs contre casque de mineur de ville.

Les rats des champs en Bolivie, quand ils habitent en altitude et qu’elles sont des filles, portent des chapeaux melon à faire pâlir les anglo-saxons. Cela fait partie de la tenue traditionnelle des femmes de la nation Aymara. A Corocoro, une ville minière de l’altiplano, on trouve une autre tribu : ceux qui portent un casque de mineur.

Le héros de la « Place du Mineur » porte une mitraillette (parce que c’est un héros) et un casque. Sur les affiches de soutien au candidat local à l’assemblée législative, Evo Morales porte un casque. Dans les rues, on porte le casque. Et même le Dieu des évangélistes de l’église du nazaréen, une secte protestante locale, porte un casque. Pour les souris, je n’en ai pas vu, mais elles doivent certainement porter un casque aussi. Autant dire qu’en ville, à Corocoro, on est pour la mine. Pour la blague, ici, le futur candidat du MAS, même s’il n’y est pour rien, a pour nom de famille « Plata-plata » ce qui veut dire « Argent-argent ».

Et on les comprend, les habitants de la ville de Corocoro. Enfin, les habitants de l’ancienne ville, parce qu’aujourd’hui elle ressemble plus à une cité fantôme dont les trois-quarts des constructions tombent en ruine. Comme on comprend le peu d’enthousiasme qu’ont les communautés rurales qui vivent à une trentaine de kilomètres de là, en aval. L’idée de se retrouver avec une eau polluée par l’exploitation minière n’est pas pour les ravir. En effet, pour eux, plus encore que plus les autres, l’eau c’est la vie : la vie de leurs bêtes, la vie de leurs récoltes, leur vie à eux.

Ici, on se rend bien compte que certaines villes n’auraient pas existé si on n’avait pas décidé d’y creuser une mine. Et puis, un jour, pour une raison ou pour une autre, la mine ferme, et la ville se décompose lentement, mais surement et finit par disparaître. L’ancien cinéma, de belles bâtisses coloniales en ruine et les trottoirs défoncés de Corocoro sont là pour en témoigner. On a ainsi d’anciennes villes minières fantômes un peu partout sur terre. La mine est donc associée à une époque où on était plus riche – en argent, mais aussi en termes de pollution, il faut bien le dire, même si ce n’est pas vraiment de cela dont on est nostalgique. Logiquement, le renouveau de la mine, même si le projet prévu se fera à ciel ouvert et en pleine ville, apporte paradoxalement l’espoir de voir la vie revenir.

A Corocoro, il va falloir que les rats des champs et les rats de ville s’entendent. Entre ceux de la ville, pour la mine, et ceux de la campagne, contre, l’entente n’est pas cordiale, et il y a déjà eu des échauffourées. Quand on sait que les premiers sont soutenus par le gouvernement et que les seconds sont protégés par la nouvelle Constitution, pas facile d’imaginer une solution contentant tout le monde. On souhaite bonne chance à ceux qui seront chargés des négociations, en espérant que, pour une fois, la règle habituelle, c'est-à-dire celle du plus fort, donc de la mine, ne sera pas la seule gagnante ! Mais cela semble bien parti pour et quand on sait quels sont les impacts socio-environnementaux de l’industrie minière, on craint le pire pour les habitants de la municipalité de Corocoro.


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Irkita

mercredi 20 janvier 2010

07-01-2009 : Desaguadero, l’autre frontière avec le Pérou


Et oui, qui dit frontière, dit au revoir la Bolivie. On finit quand même en beauté. D’abord, on passe par une agence pour faire le trajet la Paz – Arequipa. « Ce sera direct », nous dit-on. Tu parles. Pour commencer, on s’est coltiné les postes frontières sacs sur le dos. Sans parler de la galère avec la compagnie péruvienne pour faire le trajet Desaguadero-Arequipa qui était prévu dans le billet que nous avons acheté, mais qu’on a obtenu avec peine et de justesse, en devant au final et pour tout faire deux changements. La consolation, c’est qu’on a payé moins que les autres compagnons d’infortune boliviens et étrangers qui ont fait appel à des agences de bus de la Paz. On a aussi eu droit au policier qui voulait arrondir ses fins de mois. Lors d’un contrôle d’identité à quelques kilomètres de la frontière, arguant que nous avions dépassé le délai de séjour légal de 30 jours de 4 jours, celui-ci a disparu avec nos passeports. Comme nous n’avions plus de bolivianos, la monnaie bolivienne, nous avons pu les récupérer sans rien payer. Au final, la police de la frontière ne nous a strictement rien demandé. Comme quoi, vaut mieux toujours payer le plus tard possible !

Et hop, un coup de tampon, un de plus, quelques mètres sur le pont situé « nulle part » entre les deux frontières, et nous voici de nouveau au Pérou. Adieu Bolivie , merci pour tes leçons !


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06-01-2009 : El Alto, tout là haut !

Finalement, il fallait quand même qu’on s’y arrête dans cette ville jumelle de La Paz. Sous la surveillance des pics enneigés de plus de 6000 mètres, on y retrouve, comme à La Paz, les embouteillages des minis-bus plus nombreux que les passagers. On y fait la rencontre de la viande séchée et de la viande pas encore séchée. Je frémis devant les fétus de lamas qu’on enterre sous les fondations des nouvelles maisons, il paraît que ça porte bonheur. Mais la véritable découverte, c’est la vue qu’on a de là-haut, del Alto, sur la Paz, tout en bas. Je reste museau bé devant le spectacle magnifique de cette ville tentaculaire.

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05-01-2010 : Originaire !

En Bolivie, en partant du niveau de la mer et en remontant vers les montagnes, en premier, il y a « les souris », parce qu’elles sont les plus petites. Puis, là où il fait chaud et humide, dans les parties tropicale et amazonienne, il y « les indigènes » (indigenas). Et tout en haut, là où on respire mal et où il fait froid, il y a « les originaires » (orginarios). Les indigènes, on a eu l’occasion de les rencontrer au début de notre séjour, lors du forum sur les autonomies, puis à San José de Chiquitos, et enfin à Caranavi . L’organisation qui regroupe les différentes « centrales » indigènes s’appelle CIDOB. Son équivalent pour les « originaires » est le CONAMAQ . C’est dans leur bureau de la Paz que nous avons rencontré l’un de leurs représentants.
L’histoire qu’il nous raconte c’est celle d’une mine de cuivre dans une ville à quelques heures de bus de la Paz qui s’appelle Corocoro (et oui, encore un cri du coq). Là bas, il y avait et il va y avoir une mine de cuivre. « Il y avait », parce que la ville a été dans le passé une ville avec une mine sous contrôle de l’entreprise minière publique, la COMIBOL. Encore un sigle ! Ici – comme ailleurs -, on aime beaucoup ça, les sigles. Devinez par exemple ce qu’est la TAM? Alors ? Le Transport Aérien Militaire ! Non, ce n’est pas une blague, en Bolivie, l’armée de l’air est (aussi) une compagnie aérienne.
Je disais, qu’en plus de l'avoir été, Corocoro sera une ville minière. « Sera », parce que l’exploitation vient d’être relancée, par la COMIBOL (en sous-traitance avec des entreprises chiliennes et péruviennes) pour la partie récupération des déchets de l’ancienne mine, et par une entreprise coréenne (en joint-venture avec la COMIBOL) pour la partie nouvelle mine, qui sera cette fois-ci à ciel ouvert. Juste pour préciser, « récupérer les déchets » ne signifie pas faire du tri sélectif à des fins environnementales. Au contraire, c’est une activité très polluante puisqu’elle consiste à tremper dans un jus chimique les résidus de l’ancienne exploitation qui à l’époque étaient trop pauvres en minerai pour être utilisés. Vive le progrès technique! Notre ami des « terres hautes » nous fait part du peu d’enthousiasme des communautés rurales qui vivent à une trentaine de kilomètres de la ville face à la perspective d’utiliser une eau de rivière massivement polluée par les substances chimiques nécessaires à l’extraction du cuivre de la roche. Pour lui, il faut être cohérent : « le frère Evo est récompensé à l’étranger pour son respect de Pachamama, mais ce discours doit se matérialiser par des applications concrètes et ne pas rester qu’un simple discours. Or, dans les faits ce n’est pas le cas ». Son organisation a rédigé ce qu’ils appellent « un plan de vie » (plan stratégique, page 61) dans lequel ils expliquent comment ils voient leur avenir, dans quel environnement ils souhaitent que leurs enfants grandissent. Le point central de ce « plan de vie » est le « buen vivir », le bien-vivre. Ce que ça veut dire n’est pas très clair, mais la meilleure définition que j’ai entendue est celle qui l’oppose au « vivre mieux ». Si on souhaite vivre mieux, puisque il y a toujours mieux, cela n’a pas de fin. Si cela n’a pas de fin, cela finit forcement par se faire au détriment d’un autre. Et donc, pour eux, pas question de s’empoissonner pour que ceux de la ville aient du travail et de l’argent.
Brrr ! Les indigènes à Caranavi, les originaires à Corocoro froncent des sourcils et menacent de se fâcher. Eux et d’autres ont fait en sorte que les règles du jeu changent en écrivant une nouvelle Constitution dans laquelle il est dit qu’à l’avenir, si on fait quelque chose chez eux, on doit les en informer, leur demander leur avis, et, le plus important, obtenir leur accord. C’est fini de leur imposer des choses ! A cela, ils y tiennent fort et ne feront pas de cadeaux à un Président dont ils forment une partie (et pas la plus petite). Et c’est Evo Morales lui-même qui l’exprime le mieux lorsqu’il déclare dans ses discours : « nous sommes Président ».

Si moi, petite souris, j’étais à la place du Président, je ferais attention à ne pas donner l’impression « d’en faire » que pour la presse et les mouvements sociaux étrangers. Le pire serait de faire à l’intérieur le contraire de ce qui est dit à l’extérieur, et certains de ses frères originaires et indigènes trouvent que c’est déjà – un peu, parfois – le cas. Ces frères originaires et indigènes qui se sont le plus battus pour que soit pris en compte l’environnement dans les projets conçus pour gagner de l’argent, pour enfin en finir avec ce modèle de développement – vieux de 5 siècles - qui consiste à toujours extraire quelque chose des entrailles de la Terre, leur tierra madre, au détriment de leur santé et de leurs traditions. Dans tous les cas, si j’étais Evo Morales, moi, je serais inquiète … mais c’est aussi peut-être parce que je suis une petite souris peureuse !?


mardi 19 janvier 2010

04-01-2010 : La Paz des riches

Nous voici en un seul morceau à La Paz, après un retour de Caranavi composé de tous les éléments définissant un transport en bus en Bolivie. Comme les guichets n’ouvraient finalement qu’à 6 heures, nous avons attendu pendant plus d’une heure avec les gens qui campent la nuit à la gare, pour essayer – sans s’y arriver - d’être au guichet les premiers à la première heure. Nous avons réussi à avoir des places en ne respectant pas tout à fait la file d’attente, ce qui est normal pour si on veut en obtenir. Une fois installés dans le bus, nous avons dandiné de la tête les yeux fermés pour ne pas voir le précipice, mais aussi complètement épuisés par la nuit de 4h30 que nous venions de (ne pas) passer. Nous nous sommes bousculés aux toilettes lors de la pause pipi. Nous avons grignoté des yucas farcies et bu du jus dans un sac plastique (à défaut de trouver de l’api, une boisson chaude à base de maïs jaune, violet et de canelle), et nous voici à La Paz … encore une fois. Et encore une fois avec plaisir.

En attendant notre rendez-vous du lendemain avec un dirigeant de l’organisation représentant les aymaras et les quechuas, les indigènes des Andes, ceux qu’on nomme en Bolivie « les originaires », nous allons saluer la partie le plus basse de la ville, la fameuse partie sud, la « La Paz des riches ». Et ben sincèrement, ça casse pas trois jambes à un humain, et moi, je préfère la « La Paz populaire » de notre quartier, 500 mètres plus haut, malgré les vitrines de gâteaux qui, après un mois d’abstinence, nous ont bien fait baver : le chocolat, ce sera pour une prochaine fois !

samedi 16 janvier 2010

03 et 04-01-2010 : Caranavi, « ton aventure commence ici »


Quand je disais que les charmes de la Bolivie se situent aussi dans la systématisation de l’aléatoire, je plaisantais bien entendu. Si parfois l’imprévu peut être amusant, rien de plus pénible qu’un transport qui disparait dix minutes avant le départ, surtout quand on a un rendez-vous important de prévu à l’arrivée.

C’est en somme ce qui nous est arrivé au départ de Coroïco pour Caranavi. Mais heureusement, pour compenser cet aléatoire et les imprévus, il y a la souplesse des règles. Ainsi, nous avons pu embarquer dans un bus plein avec nos sacs et tout notre bazar. Si pour moi cela ne change pas grand-chose puisque je peux me faufiler dans une poche, pour Anna et Jérémy, cela signifie « trouve-toi-une-place-par-terre-dans-la-boue-parce-dehors-il-pleut-bien-entendu-ou-reste-débout ». Heureusement, pour palier à l’absence de confort, les à-pics vertigineux et l’étroitesse de la route nous occupent le temps qu’une place se libère (après une bonne heure d’attente) : nous sommes sur la continuation de la fameuse route de la mort, et nous comprenons vite que son nom est mérité. Et une fois enfin assis, la thérapie « ferme-les-yeux-ça-ira-mieux » nous a permis de finir le voyage sans faire une crise cardiaque. A l’arrivée, le slogan de la compagnie de bus nous accueil avec humour : «Avec nous, ton aventure commence ici ». Bon, comme il faudra faire le même chemin pour le retour, on rigole quand même un peu jaune !

Nous voici donc sains et saufs ou presque à Caranavi, appelée aussi « la porte de l’Amazonie ». Ici, nous sommes venus rencontrer un dirigeant indigène. On nous a expliqué qu’il représente un peuple en conflit avec le gouvernement à propos d’un projet d’exploitation de pétrole sur son TCO (territoire communautaire d’origine), surtout en raison de l’absence de consultation populaire, chose pourtant obligatoire selon les termes de la nouvelle constitution du pays, sans parler de nombreuses lois internationales et nationales (comme l’article 169 de la Convention de l’OIT qui a été traduit en loi en Bolivie). Le dirigeant qui nous reçoit nous explique qu’effectivement, alors qu’ils souhaitent mettre en place des projets de développement « sustentable y sostenible » (culture de cacao, écotourisme, etc.), le gouvernement explore leur territoire afin d’y exploiter le pétrole à l’avenir, ce qui ne leur plait pas beaucoup. Mais au-delà du fond, au niveau de sa forme, la discussion a un surprenant côté « entretien d’embauche ». On a même eu droit à la lecture d’une présentation PowerPoint à voix haute. Désolés, nous devons expliquer à la fin de la conversation que nous ne sommes pas là pour donner de l’argent. Déception…

Surprenant aussi d’apprendre comment s’organise la collaboration avec les ONG. L’une d’entre elle par exemple, qui ne payait pas les sodas et le téléphone portable (entre autres) des dirigeants en voyage s’est vue remercier au profit d’une autre plus conciliante vis-à-vis de ces demandes. Un peu comme si un salarié démissionnait pour changer d’employeur parce qu’il est mal payé. Plus concrètement, la nouvelle ONG leur donne 10 000 dollars - « pour l’année ?», demandons-nous - «non, pour deux mois », nous répond-on, « le temps d’essayer ». Cela peut paraitre surprenant, mais c’est une illustration de ce que peut-être la relation ONG-Communautés indigènes en Bolivie, et probablement ailleurs. Merci pour la leçon.

A Caranavi, on admire aussi le résultat des piqures de moucherons voraces sur nos mollets roses à petits pois et on mange la seule chose qu’il est possible de manger (car si par caprice nous avions voulu manger autre chose, cela n’aurait de toute façon pas été possible). Sur la route-rue principale de Caranavi, il y a 50 snacks-restaurants qui servent tous exactement la même chose : du poulet broaster. Cela ressemble à du poulet en croute, un peu comme celui qu’on trouve chez le numéro un de la cuisine rapide en France et dont le sigle est un grand M doré. Pour ma part, puisque je n'ai pas de dollars à grignoter, je fais diète. Demain, départ à 5 heures pour la Paz et par la route de la mort. J’en tremble d’avance.

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Kri kri
Irkita


PS : Pour ceux qui veulent en savoir beaucoup plus sur les indigène/originaires en Bolivie, ce lien Larousse semble bien complet.

jeudi 14 janvier 2010

02-01-2009 : Coroico, c’est quoi, le cri du coq ?

Après un premier jour de l’année passé à nous reposer, nous voici sur le départ de « bonne heure de bonne humeur » pour Coroïco. En plus de ressembler au cri du coq, Coroïco est une sorte d’Ibiza ou de Saint-Tropez bolivienne, petit village touristique entouré de végétation tropicale, niché sur une colline à moins de 2000 mètres d’altitude dans la région des Yungas. Un petit paradis.

Les Yungas, c’est l’une des deux régions officielles (parce qu’il y en a d’autres, officieuses mais connues de tous) de production de la feuille de coca. C’est aussi la seule région de production légale où la feuille de coca est cultivée « pour la mastication ». C’est celle qu’on trouve sur tous les marchés de Bolivie. Les connaisseurs la reconnaissent à sa taille : la feuille des Yungas est plus petite. L’autre région officielle de production de la coca est le Chapare, où, malgré une production plus abondante, sa culture n’est pas reconnue « légalement ». Officielle mais pas légale, coca(sse) (facile), non ? Cela reflète plutôt bien la complexité bolivienne. De plus, le Chapare est la province dans laquelle l’actuel président du pays a fait ses premiers pas « politiques » en tant que délégué syndical des cultivateurs de coca , ce qui, associé à l’importance de la production, devrait faire que la région soit bientôt reconnue légalement comme celle de production de la feuille de coca.


Quoiqu’il en soit et quoiqu’on en dise, dans les vallées autour de Coroïco, on cultive la coca depuis des générations qui remontent aux moins jusqu’aux Incas et probablement avant. Les Yungas, c’est aussi la région des afro-boliviens, qui aujourd’hui parlent le quechua et portent des tresses comme les cholas. Je vous vois froncer des sourcils. Qu’est ce que raconte la petite souris ? Les « cho » quoi ? Les cholas ! (Non, non, rien à voir avec l’expression du sud de la France signifiant « fille facile »*). Ce sont les femmes aymara-quechuas, appelées aussi de façon plus politiquement correcte « las mujeres de pollera » (les femmes en jupe), habillées de façon traditionnelle. Enfin presque traditionnelle ! Parce que leurs jupes brillantes viennent de Corée du Sud et leurs tabliers sac-à-main-porte-monnaie à carreaux bleus sont fabriqués en Chine. Vive la mondialisation ! Pour dire leur popularité, à La Paz, il y a même un spectacle populaire et touristique de lutte libre dans lequel elles se crêpent les tresses (qui vont toujours par paire). Ambiance ! Pour revenir aux afro-boliviens, on dit même que la mélodie de la fameuse lambada a été composée par eux (pour le lien, c’est une analyse complète du phénomène lambada, genre thèse sur la chanson, il faut chercher « Bolivie »).

En plus de la coca et des afro-descendants inventeurs de la lambada, à Coroïco, on trouve les Paceniens (habitants de La Paz) qui viennent y passer les week-ends ou les vacances, ainsi que des étrangers, qui, pour la plupart, sont encore en train de prier chacun leur(s) dieu(x) de référence pour être encore en vie suite à la descente à vélo de la fameuse route de la mort, une des attractions les plus vendues par les agences de tourisme de la Paz.

Et aussi incroyable que cela puisse paraître à priori (parce qu’à posteriori quand on pense au petit village qu’est en réalité Saint-Tropez, il n’y a pas vraiment de quoi être surpris) la place du village se transforme en boite de nuit « hyper tendance » les soirées de jours chômés. On y retrouve toute la jeunesse branchée de la capitale, accompagnée de touristes « cyclistes de la mort » dansant sur une musique néo-traditionnelle à tendance reaggeton. Imaginez le spectacle !

De notre côté, avec deux amis boliviens, nous avons marché longeant des champs de coca cultivés en terrasses comme en Provence, à la recherche des cascades introuvables, puis, le soir venu, nous sommes allés diner dans un restaurant mexicain sans frijoles, ni quacamole, ni tortillas, bref sans nourriture mexicaine. Nous y avons donc mangé un pique-macho : une montagne de frites, de fromage local, de tomates, de poivrons, de morceaux de filet de bœuf d’oignons, le tout revenu dans une sauce genre sauce soja piquante ! Avec le salchipapa (frites et saucisses revenus dans le plus d’huile possible), c’est Le plat bolivien. Je suis un peu moqueuse parce qu’il y a plein d’autres plats typiques que j’oublie, mais ce n’est pas si loin que ça de la réalité. Tout ça pour dire qu’en Bolivie ce qui est prévu n’est pas forcément ce qui arrivera… et le « forcément » est peut-être de trop. Faut faire avec, mais c’est aussi ce hasard fluctuant qui fait le charme du pays, non ?



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Irkita



*L’expression du sud de la France signifiant « fille facile » est bien entendu « chaudasse »

mardi 12 janvier 2010

31-12-2009 : Le nouvel an n’existe pas ?

Denier jour de cette année 2009, riche en événements et déjà tellement de voyage pour la petite souris que je suis. Nous sommes de retour à La Paz où nous nous renseignons sur les festivités pour le passage à la nouvelle année. « Le nouvel an se passe en famille en Bolivie ». « Il y a peut-être des feux d’artifices là bas ».« Non, en fait les feux d’artifices sont ici ». On ne les aura pas trouvés…
On passe dans la journée voir des amis à Sopocachi, le quartier des expatriés et des ONG, ce qui va ensemble en Bolivie. Bon, ça permet de faire des photos pour vous montrer une autre partie de La Paz, qu’on adore à l’unanimité. On est bien contents d’y être de retour. A Sopocachi, on trouve des maisons individuelles, des bars sympas, des restaurants de cuisine étrangère (péruvienne, québécoise, chinoise, etc.) et des grands immeubles récents avec vues magnifiques. Ca change des rues embouteillées emplies de vendeurs ambulants de ce qu’on appelle désormais « notre quartier », un peu plus haut dans la vallée principale de la capitale bolivienne (ancien quartier indien).


01-12-2009 : Bonne année 2010 !
Après avoir cherché la fête populaire, nous nous retrouvons entre gringos errants dans un bar proche de notre hôtel. Quelques capirinhas, une recherche difficile et pas très fructueuse de « quelque chose à manger », quelques « feliz año nuevo » et voici le petit matin, 6h.


Anna et Jérémy se joignent à moi pour vous souhaiter une très bonne année 2010.



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dimanche 10 janvier 2010

30-12-2009 : Le Salar d'Uyuni, pur de vrai !

Et nous y voilà. On en parle depuis presqu’un mois et enfin on le voit. Pas le temps de faire le grand tour de 4 jours, 3 nuits, c'est-à-dire Salar d’Uyuni et Sur Lipez, mais ce n’est pas grave. On essaiera de voir les lacs colorés du Sur Lipez lors de notre retour en été 2010. On râle quand même un peu, pour ne pas oublier qu’on est Français, à l’idée de passer par une agence de tourisme. Pour la suite, la beauté du Salar (c’est tellement vrai que s’en est presque un pléonasme) nous a fermé bouches et museau !

Je vous laisse admirer l'hôtel de sel dans des murs au parquet tout est en sel, l'ile aux poissons sur laquelle les seuls compatriotes animaux que j'ai rencontré sont une autruche et un petit oiseau qui semblaient égarés au milieu de vénérables cactus millénaires, les touristes qui s'amusent avec la perspective et l'absence d'ombre pour créer des compositions aussi drôle à voir qu'à voir faire (j'ai réussi à porter Anna et Jérémy sur mon museau) et la lumières se reflétant sur l'eau entre sel et air ! Ah, les reflets du Salar d'Uyuni ....

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samedi 9 janvier 2010

29-12-2009 : Uyuni city : Gringos, ordures, poussière et chiens errants. Et lithium

Uyuni c’est la « grande » ville (façon de parler) au bord du célèbre Salar d’Uyzuni. C’est une ville tracée à la règle où s’enchainent lignes parallèles et perpendiculaires.

Uyuni, c’est l’une des deux gringo-cities de la Bolivie avec Rurrenabaque. Tous les touristes y passent pour parcourir le désert de sel situé à 25 km de la ville. Le plus grand du monde avec ses 12 000 km².

A Uyuni, ambiance western sans cow-boys. Il y a des ordures, de la poussière, des chiens errants, une place centrale fleurie et remplie de touristes, attablés à des terrasses en écoutant Manu Chao ou parcourant les bureaux de la centaine d’agences qui permettent de visiter le Salar. Il y aussi des ordures, de la poussière, des chiens errants, une église, des ordures, de la poussière, des chiens errants (ben oui, y en a beaucoup) et les locaux du syndicat des travailleurs ruraux de l’Altiplano Sud, FRUTCAS. C’est pour eux que nous sommes là. Pas pour voir le Salar ? Ben non, pas du tout… Enfin, si, un peu, aussi, quand même, puisqu’il parait que c’est une chose incroyable, un chef d’œuvre de la nature dont les mauvaises langues disent qu’il serait menacé de disparition.

Pourquoi ? Ce célèbre Salar contiendrait entre un tiers et plus de la moitié (selon la COMIBOL, 100 millions de tonnes) des réserves mondiales de lithium. Le lithium, «l’or gris », c’est ce métal mou (ou léger) qu´on trouve dans les batteries des téléphones portables et des ordinateurs. Il est aussi utilisé en médecine (traitement de la bipolarité), comme base de fusion nucléaire et surtout pour fabriquer les batteries des voitures électriques, clé de voûte de la future société sans CO² et sans pétrole (puisqu’il n’y en aura plus).

Même si le lithium est abondant sur terre (33ième élément le plus présent dans la nature), il n’existe concentré que dans les évaporites et le Salar d’Uyuni en est constitué.

Certains estiment que ses réserves de lithium transformeraient la Bolivie en une sorte d’émirat du lithium. Estimations qu’il faut cependant prendre avec précaution puisque d’autres diront que c’est le fond de la Méditerranée qui renfermerait le plus grands des gisements de lithium connus. Voilà pour la ressource.

Niveau acteurs, on trouve, entre autres: FRUTCAS, syndicat qui avait lutté contre l’exploitation du lithium par l’entreprise états-unienne LITHCO A dans les années 1990 et qui est aujourd’hui à l’origine de la proposition d’exploitation publique et théoriquement respectueuse de l’environnement, basée sur la technologie « d’industrialisation du lithium » - production du carbonate de lithium dans sa première phase - 100% bolivienne ; la COMIBOL, l’entreprise minière d’Etat et sa Direction des évaporites créée pour l’exploiter le lithium du Salar ; des entreprises étrangères - japonaises, française (Bolloré) , brésiliennes, états-uniennes, russes, et j’en oublie ; les agences de tourisme qui parcourent le Salar et les communautés vivant autour (sans oublier les touristes, les chiens errants…, bon d’accord, j’arrête !).

Après l’annulation du contrat de la Lithco, aujourd’hui, c’est la COMIBOL, à travers sa Direction des évaporites, qui est chargée de la phase de test de l’exploitation. Pour cela, une usine pilote a été construite. Elle devrait permettre de concevoir la technologie la plus efficace et ayant le moindre impact environnemental de production de carbonate de lithium. Le projet intègre aussi un volet « développement local ». Ca, c’est ce que nous savons avant d’arriver en Bolivie : un projet révolutionnaire d’industrialisation d’une ressource naturelle (et non seulement de son extraction), soucieux de l’environnement et du bien-être des populations, du moins sur le papier.

Lors de nos différentes rencontres pendant de notre séjour en Bolivie, on a entendu des sons de cloche bien différents, fondés ou pas. Quelques exemples :
- « En fait, il y aurait moins de lithium qu’on le dit »
- « En fait, il y en aurait plus »
- « En fait, cela va détruire la beauté du Salar parce que cela va créer des monticules de sels et donc briser son plat parfait, sa beauté exceptionnelle », selon les agences de voyage
- « En fait, l’idée est de maîtriser toute la chaîne de production, de l’extraction du lithium à la voiture électrique 100% bolivienne » (c’est bien l’idée…)
- « En fait, Evo Morales serait manipulé par George Soros qui l’aurait placé à la tête du pays pour avoir accès au lithium »
- « En fait, conçu dans le cadre de la campagne électorale, le projet d’une entreprise 100% bolivienne et publique, intégrant les exigences de développement local et écologique, ne tient pas la route, parce qu’au niveau technologique la Bolivie ne pourra pas aller au-delà de la production du carbonate de lithium et qu’en fait, les japonais sont les mieux placés derrières les français pour avoir accès au magot ! »
- Ouf !

Malheureusement, notre entretien avec FRUTCAS ne répondra pas à toutes les questions que nous nous posons à ce sujet. Nous sommes en fin d’année et nous ne pourrons pas visiter l’usine pilote, fermée pour les vacances. Ce n’est que partie remise, nous essaierons de revenir dans cette région de la Bolivie en été 2010, à partir de l’Argentine toute proche, pour voir l’usine qui devrait être en fonctionnement depuis déjà quelques mois.

Lors notre conversation, nos amis de FRUTCAS nous affirment tout de même qu’ils continueront à lutter pour que le projet reste 100% bolivien et public, comme ils l’ont déjà fait dans les années 1990, et comme ils l’ont fait plus récemment, pour faire capoter un projet monté par l’université Thomas Frias où il était encore question d’un appel d’offres aux compagnies étrangères. Et surtout, ils font confiance à Evo. Du moins pour la première phase du projet, la production du carbonate de lithium (les phases suivantes étant la production de lithium métallique, puis celle des batteries électriques, puis celle des voitures fonctionnant avec ces batteries) : un premier kilogramme de carbonate de lithium a déjà été produit en novembre dernier (2009).

Pour ce qui est de la problématique technologique, a FRUTCAS, on nous apprend la création d’un comité scientifique international ouvert et donc accessibles aux entreprises étrangères, qui collaboreraient en son sein sans contrepartie, seulement « pour aider la Bolivie à se développer ». Un exemple d’acteur y participant : Bolloré. Hum, Bolloré-philanthrope voulant simplement aider la Bolivie à se développer … Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’en ai les moustaches qui frétillent (l’équivalent du froncement de sourcils ou du pincement de lèvres des humains chez les souris).

Niveau développement local, nous apprenons que pour l’instant – contrairement à ce qu’on peut lire dans un certain nombre de publications – il n’y a eu aucune discussion sur la planification du partage des retombées de l’exploitation du lithium avec les habitants des communautés rurales du Salar. Dans cette région, l’une des plus pauvres du pays, les habitants – ceux qui ne travaillent pas dans le tourisme - subsistent aujourd’hui grâce à la culture de la quinoa et au commerce du sel. Quand parlera-t-on du partage des retombées? D’ici 5 ans, le temps de mettre en place une technologie fiable de production de carbonate de lithium et d’évaluer les bénéfices. Car le rêve de FRUTCAS est que « le salar devienne un pôle de développement régional, national, voire continental ».

L’impact environnemental ? Il n’y en aurait pas : la seule eau utilisée est celle d’une rivière salée qui est ensuite retournée dans la même rivière, les piscines d’évaporation sont fabriquées avec le sel du salar et la principale source d’énergie pour l’évaporation est le soleil, toutes les constructions pour acheminer la matière première sont démontables et la production à proprement parler (séparation des différentes éléments : lithium, potassium, bore) est faite dans un laboratoire, à petite échelle. Pour l’instant du moins, avant la construction du complexe industriel, deuxième phase du projet. Voilà pour les informations. Reste à voir tout cela en fonctionnement cet été.

Entre théorie du complot, utopie syndicaliste, alternative nationale, méfiance scientifique et gourmandise des multinationales, le sort final du lithium du Salar d’Uyuni reste pour l’instant bien mystérieux. Pour l’avenir, on compte sur nos amis de FRUTCAS et sur la visite de l’usine pour nous aider à suivre de près les prochains épisodes.

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Irkita

P.S. Un devoir pour la petite souris qui a le cerveau qui chauffe (si vous voulez m’aider, n’hésitez pas !!!) : réfléchir au changement de paradigme (ça brûle !!) entre l’énergie-flux (pétrole) et l’énergie stockée (grâce au lithium) et son impact pour l’environnement. Il paraît qu’il se situerait en milieux aquatiques… A suivre.

vendredi 8 janvier 2010

28-12-2009 : De Potosi à Uyuni

Les ingrédients d’un trajet angoissant : ciel d’encre, éclairs gigantesques zébrant le ciel avant de taper la terre autour de nous, route de nuit et chemin en terre. La route Potosi-Uyuni fût pleine d’émotions.

lundi 4 janvier 2010

Poto-si belle -si cruelle -si polluée

25-12-2009, Poto-si belle
Pour sûr, Potosi est une très belle ville et mérite son classement au patrimoine de l’humanité.


26-12-2009 : Poto-si cruelle
En fait, ici, il y a la ville recto qui se pavane et il y a le Cerro Rico verso qui a engouffré dans ses entrailles beaucoup de monde. Il y a eu des millions d’indiens soumis à la mita, nourris comme des bêtes avec de la coca par les conquistadores espagnols qui poussaient le cynisme jusqu’à vendre les feuilles à leurs esclaves. Puis aujourd’hui, il y a les mineurs coopérativistes, enfin ce n’est qu’une question de nom, et les touristes qui ne trouvent rien de mieux à faire que pénétrer dans les entrailles de la montage riche. Pour ce qui est des « coopérativistes », il est communément admis qu’il s’agirait ici d’une forme rare d’exploitation : l’auto-exploitation. Couplée à l’exploitation tout court, cela va de soi. Les mineurs associés gèrent en commun leurs mines louées à l’Etat dont ils exploitent chacun une partie. Le guide du routard nous dit que leur espérance de vie est de 45 ans, d’où l’auto-exploitation. Mais ça aurait été trop facile. Finalement, ils sont maximum 4000 à posséder un morceau d’enfer en argent, en zinc ou en étain, et les 11 000-13000 autres sont des mineurs journaliers qui heureusement se font aider de leurs femmes et enfants. La mine, c’est une histoire d’exploitation familiale !


27-12-2009 : Poto-si polluée

Ici, il existe un proverbe qui dit « Montage riche, Gens pauvres ». Ce n’est pas tout à fait vrai. En termes de pollution, 500 ans d’extraction de minerai de la montagne a transformé les alentours de la ville en une énorme décharge grise-jaune-verte d’un mélange hyper concentré d’arsenic, souffre, plomb, amiante et autre joyeusetés ! C’est un ami de la ville qui nous promène hors des sentiers dorées de Potosi.


28-12-22009 : Potosi, société civile
Le lendemain, avec son aide, nous irons à la rencontre de toute la société civile de Potosi - ou presque. Un moment mémorable ? Celui pendant lequel le président des coopérativistes nous déclare que le droit du travail on s’en fiche, pour les journaliers (appelés aussi péones ou maquipura), le travail 7 jours sur 7 c’est normal, surtout s’ils veulent manger ! Et s’ils veulent avoir un dimanche… ben ils n’ont qu’ à arrêter de travailler. Altruisme, quand tu nous tiens !

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Irkita

25-12-2009 : De Sucre à Potosi, pas de place, mais de la place


Nous sommes le 25 décembre et rebelote. Il n’y a pas de place pour aller de Sucre à Potosi où nous attend le Cerro Rico. Comme on connait maintenant la chanson, on insiste et finalement on s’installe simplement dans la cabine du chauffeur de bus avec d’autres compagnons d’infortune chanceux. Avantage : belle vue et prix réduit. Inconvénient : douleur aux fesses après quelques heures sur le sol du bus.
Bien évidement, pour ce qui me concerne, aucun inconvénient et j’ai pu admirer le paysage tranquillement, tout en écoutant la conversation sur les choses horribles qu’on mange chez nous et chez eux. Finalement, le steak de cheval, les cuisses de grenouille et le saucisson d’âne auront fait fi du steak de lama et du cochon d’inde rôti.
Enfin, nous voici à Potosi, qui sur son accueil en provenance de Sucre n’a pas grand-chose d’impérial à moins que les tas d’ordures infinis puissent être qualifiés ainsi. Au loin, tout de même, rouge, gris, orange, noir, la colline riche nous fait son imposante révérence. Brrr, inquiétant. Je me sens encore plus petite que d’habitude… et frigorifiée (ça faisait longtemps) : il fait froid à 4060 mètres d’altitude.

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Irkita