lundi 14 juin 2010

17-02-2010 : Ayabaca, “un pueblo dans les nuages”

Ayabaca, située à 211 km de Piura, se réveille tôt, et lorsque nous sortons de l’hôtel à la rencontre de nos rendez-vous de la journée, l’activité bat son plein…  Ayabaca (ou Ayavaca, si l’on adopte l’orthographe du nom d’un peuple pré-incaïque qui habitait jadis ces lieux) est un pueblo (village ou peuple) paisible, posé sur un petit plateau, baignant dans les nuages. L’altitude et l’humidité de la nuit qui se dissipe font briller le village, une charmante bourgade à la patine coloniale, aux ruelles propres et à l’air pur. Tout autour, la végétation saupoudrée de brume accentue la sensation ambiante de plénitude et de tranquillité. Après avoir enchanté nos papilles avec quelques sucreries locales, surpris, nous fronçons du museau (vous avez déjà vu des souris avec des sourcils ?) : « C’est donc cela Ayabaca » ?



Un peu comme Tambogrande, Ayabaca fait maintenant partie de la légende du refus du développement. Ici, entre la mine et leur culture, les habitants de la province ont préféré rester ce qu’ils sont, c’est-à-dire des paysans. Ce qui a fait dire au président du pays, le docteur Alan Garcia, dans sa célèbre diatribe sur le chien du jardinier (El perro del hortelano) : « Quand je vais à la ville d'Illo  et que je vois son développement urbain, qui est le plus avancé du Pérou, je sais que c'est le résultat de l'exploitation minière et de l'industrie de la pêche, et la comparaison avec le village d'Ayabaca me fait souffrir. Ayabaca a plus de ressources minières que la mine de Cuajone dans le sud, mais ici, persiste une grande pauvreté. Et c'est que là, on a affaire au vieux communisme anticapitaliste du XIXième siècle qui se transforma en protectionnisme au XXième siècle et changea une nouvelle fois de chemise au XXIième siècle pour devenir environnementaliste. Mais toujours anticapitaliste, contre l'investissement, sans expliquer comment, avec une agriculture pauvre, on pourra  faire un bond vers un meilleur développement ». Entre « pauvres paysans » et « environnementalistes-protectionnistes-communistes-anticapitalistes », il n’y aurait donc pas d’autre échappatoire que la mine ?

Evidement, vous vous doutez que les propos du docteur Garcia ne doivent pas être pris au pied de la lettre et si vous lisez tout ce que j’écris, vous connaissez déjà l’histoire de la lutte des habitants des provinces d’Ayabaca et de Huamcabamba contre l’entreprise minière britannique, puis chinoise, Majaz-Rio Blanco. Nous aussi, nous connaissons déjà l’histoire. En revanche, ce que nous ne savons pas encore, c’est pourquoi Ayabaca a su résister comme elle l’a fait, peut-être mieux qu’ailleurs, et en tous cas de façon différente et avec un certain succès …  Et c’est ce que nos rencontres de la journée, avec le Front de défense de l’environnement, de la vie et de « l’agro » et avec la Fédération des communautés paysannes vont nous faire comprendre.

1 –Des Ayavacas aux rondas campesinas, les racines de la résistance

A Ayabaca, où chaque année depuis 1751, des milliers de Péruviens et d’Equatoriens se réunissent pour un pèlerinage important (Seigneur Captif d’Ayabaca), on est avant tout catholiques. Cependant, l’organisation, les légendes et les croyances des indigènes, dont descendent en partie les paysans de la province, aujourd’hui pour la plupart métisses, semblent être encore bien ancrées dans « l’inconscient collectif ». Par exemple, les Ayavacas , polythéistes, vouaient à l’eau, essentielle à la vie, un culte particulier, ce qui explique en partie l’antipathie qu’inspire aux habitants de la province une industrie qui pollue fortement les sources d’eau. On apprend aussi que l’organisation politique de ces amérindiens, qui, avant l’arrivée des Espagnols, avaient résisté quelque temps à l’invasion Inca, possédait déjà des caractéristiques que l’on retrouve aujourd’hui dans les campagnes de cette région: « Lors des assemblées populaires, ils élisaient leurs gouverneurs en temps de paix et leurs capitaines en temps de guerre. Qu’est ce qui se passe aujourd’hui ? Les communautés élisent leur autorité, le président de la commune, et quand elles se sentent menacées par un danger, il y les rondas ». Si l’on perçoit l’influence de l’Eglise catholique dans les valeurs des rondas, on sent bien qu’ici, elle a « pris » sur un terreau fertile. A entendre nos différents interlocuteurs, il est clair que, face à la mine, la force de l’organisation paysanne, structurée, autonome et démocratique, a été déterminante.

Structurée : « La fédération des communautés paysannes nait en 1998 et regroupe 76 communautés des 10 districts d’Ayabaca. […] Historiquement, elle s’est formée pour régler les problèmes internes des communautés et ceux qui surgissent entre les différentes communautés». Les communautés se structurent autour des deux édifices, les rondas campesinas, pour la sécurité, et la fédération,  pour les questions du territoire. « Ici, rondas et fédération c’est la même chose, nous avons des noms différents mais travaillons ensemble. Rondas et  communautés se confondent : un rondero est [presque toujours] aussi un comunero  (membre d’une communauté paysanne). Les rondas sont notre propre police […], la fédération s’occupe des conflits liés à la terre ». Autonome financièrement : « l’organisation se maintient à l’aide des ressources propres des communautés. Nous n’avons aucun apport de l’extérieur». Fonctionnant selon les principes de la démocratie directe, où toutes les décisions sont prises en assemblée. Par exemple, face aux ONG, qu’on accuse si souvent de manipulation (à tort ou à raison), « lorsqu’une d’entre elles nous propose une formation, c’est l’assemblée qui décide si on accepte et qui va y aller, pour que chacun puisse participer à tour de rôles ».


2  – Alliance Ville-Campagne

Un autre détail qui caractérise la lutte d’Ayabaca et qui a probablement participé à faire la différence, c’est que, dès le départ, la ville s’est aussi mobilisée contre la mine. « Il ya deux tendances, la ville et les communautés, qui ont des visions du développement distinctes». En général, « la zone urbaine associe [le développement] à l’investissement ». Mais ici, pour deux raisons (au moins), la situation est différente. Premièrement, parce que « dans l’histoire d’Ayabaca, comme le gouvernement ne fait rien, nous avons généré notre propre façon de créer du travail » et, deuxièmement, parce qu’en apprenant l’existence des concessions en 2000, les citadins se réunissent autour d’une table de concertation pour parler de l’avenir qu’ils souhaitaient pour leur province, en s’appuyant sur le plan de développement stratégique élaboré par la table et axé sur le « le développement  de l’agriculture et du tourisme ». Cette alliance ville-campagne s’exprimera tout au long du conflit. Lors de cette journée d’entretiens, nous connaîtrons ces deux facettes de l’opposition au projet minier et ferons même une visite à la mairie de la ville.

3 – « Sans la terre, nous ne pouvons vivre, quelqu’un doit se sacrifier »

Ce qui ressort immédiatement de nos entretiens, c’est qu’une organisation dépend beaucoup des dirigeants qu’elle a, de leur intégrité et de leur force de caractère. Il en faut des qualités et des valeurs solides pour résister à la corruption, aux menaces et à la répression, aux procès et à la diffamation. Pour les dirigeants des organisations d’Ayabaca, se sentir soutenus par une base solide et être ancré sur un territoire a été primordial. «  La mine m’a proposé de l’argent pour que je m’en aille d’Ayabaca et une maison avec un terrain là où je voudrais. J’ai refusé. Ils m’ont menacé. Ils ont fait appel aux services secrets. Je ne savais même pas qui ils étaient.  Ils m’appelaient la nuit, à une heure ou deux heures du matin. Je devais éteindre mon cellulaire. Comment ai-je fait pour poursuivre la lutte ? Je suis membre d’une communauté, je travaille ma parcelle et je vis de la terre. Mon épicerie c’est ma terre, mon salaire c’est ma terre. Tout est dans ma parcelle. C’est une fierté d’être rondero et comunero », nous témoigne le président de la fédération des communautés paysannes, chez qui la fierté d’être « dans le vrai » s’associe à l’esprit de sacrifice. «L’autre chose avec laquelle il faut être d’accord, c’est que quelqu’un doit être prêt à mourir, à souffrir pour nos enfants et pour tous ceux qui vivent. Si cette personne n’existe pas, tout est perdu, nous souffrirons tous, nous finirons tous par mourir à cause de la pollution. Quelqu’un doit assumer. Cette décision, je l’ai prise conjointement avec ma famille. Au début, mon épouse ne me comprenait pas. C’était difficile parfois, je devais partir plusieurs mois de la maison parce qu’on disait qu’on allait me tuer. Mais sans la terre nous ne pouvons vivre et sans eau propre nous ne pouvons pas vivre, sans cet air que nous respirons, nous ne pouvons pas vivre. Quelqu’un doit se sacrifier… » .  Leur solidarité fait leur force, et leur force c’est l’union. En 2007, les communautés refusent une offre de l’entreprise qui leur propose un fond de développement d’un montant de … 80 millions de dollars . Vous avez bien lu… Qui a dit qu’on pouvait corrompre tout le monde ?


3 – Marcher pour avancer …

Et de la force et de l’union, il en a fallu aux communautés d’Ayabaca. C’est cet esprit de communauté, qui les a portées à poursuivre leur lutte contre l’entreprise minière. En 2004, lors de la première marche, seulement 78 personnes de la province, et 3 de la ville d’Ayabaca, partent vérifier sur place l’existence de la concession cachée. Il faut dire que, contrairement à leurs compagnons de la province voisine, celle d’Huamcabamba, dont les 5000 manifestants feront le gros de l’assemblée (et pour qui la concession n’est qu’à 4h de marche), l’accès est long et compliqué: « Sans aucun chemin ni sentier, à travers la forêt primaire, dormant sous la pluie. C’est comme cela que  nous avons passé les 4 jours de marche ». La première confrontation avec l’entreprise minière se soldera par la mort d’un des participants, tué par une grenade lacrymogène qu’il a reçu dans la tête.

A leur retour, les marcheurs de la province de Ayabaca partent témoigner devant les communautés des événements qu’ils ont vécus, en se transformant en chaskis, mot qu’on utilise toujours à Ayabaca et qui désignait, à l’époque des Incas, les coureurs qui délivraient des messages et des objets dans tout l'empire. Petit à petit, «  base après base, communauté après communauté », malgré les « unes » des médias les accusant de « narcotrafic » et de « terrorisme » puisque c’est à la mode, le message poursuit son chemin, et tout le monde apprend l’existence du campement minier, des méthodes de l’entreprise et du danger qu’elle représente pour l’avenir. Dans les campagnes, on fait plus confiance aux marcheurs - « parce qu’un rondero que tous connaissent, on le croit » - qu’aux journaux. « L’organisation en est sortie fortifiée » nous confite-t-on, et « les manifestations qui se faisaient à 400 ou à 1000 personnes, ont fini par atteindre entre 8000 et 15000 personnes, hommes et femmes ». Et la lutte se radicalise. Du côté de la compagnie minière, elle poursuit ses calomnies dans les journaux. Ce à quoi, ce qui est une nouveauté, les intellectuels de la ville opposés à la mine répliquent, eux aussi, dans la presse. « Ceux sont des communistes démodés », - peut-on lire un jour, « La vérité doit sortir », - répondent opposants à la mine.
Sur le terrain, les choses se corsent pour l’entreprise. Les communautés, via les rondas campesinas, prennent la décision de ne plus laisser entrer d’inconnus sur leurs terres sans leur autorisation. « Personne n’entre dans ma maison si je ne le veux pas ». Qu’à cela ne tienne. Si elle ne peut plus être présente physiquement, l’entreprise change de méthode. Un jour « Ils nous ont envoyé des manuels scolaires », - nous raconte-on, « les comuneros ont été indignés : Comment pouvons-nous recevoir ces dons, alors qu’au campement, ils nous tirent dessus ? Alors, ils ont brulé tous les cadeaux de l’entreprise [..]. C’est une réaction naturelle de la communauté qui a voulu montrer qu’elle avait de la dignité”.  Le lendemain, les journaux titrent : « Inquisition ! Les paysans manifestent en brulant du matériel éducatif». Voyez le niveau…

Dans les campagnes, peut-être parce qu’on en a marre de se faire maltraiter par les médias et probablement pour bien d’autres raisons, une décision adoptée par une première communauté fait office de jurisprudence et est rapidement appliquée par toutes les autres : « si tu veux travailler avec la mine, tu laisses ta terre à la communauté. » Face à cet ultimatum, « les comuneros compromis avec l’entreprise feront machine arrière », - nous explique-t-on. A chaque attaque de la mine, les paysans répliquent, et l’effet escompté est l’inverse. Les communautés resserrent les rangs autour de la fédération et des rondas. La résistance se renforce. Si bien, qu’une nouvelle organisation surgit : la jeunesse organisée en défense de l’écologie régionale (JODER, rien que ça !). « Ce sont des jeunes qui ont étudié à Ayabaca mais qui viennent des campagnes, sans être ni ronderos, ni comuneros ». La jeunesse « hors champs », à cheval entre la ville et la campagne, entre dans la danse, encadrée à ses débuts par la Fédération des communautés paysannes dont elle est une des fiertés. Pourtant, « aujourd’hui c’est une organisation indépendante qui participe aux décisions ».


4 – Marcher et marcher encore


Toute cette dynamique finit par aboutir à la volonté d’un grand nombre de personnes d’aller voir sur place « parce que c’est une chose différente de voir, de connaître les  lacs, les paramos dont nous parlions tant mais que peu de gens connaissaient pour de vrai. » Cette seconde marche durera trois jours et deviendra une véritable épopée. « Alors que nous grimpions, les hélicoptères ont commencé à nous poursuivre. Ils ont dit  qu’on n’était qu’une centaine. En réalité, nous sommes partis 500 et, en chemin, les communautés que nous croisions ont grossi les rangs jusqu’à ce que nous soyons 4000. [….] Quand nous étions en plein paramo, sur la crête de la cordillère, pour la franchir et descendre de nouveau dans la forêt nuageuse, il s’est mit à «paramer ».

En guise d’explication de ce que c’est que « paramer », je me permets une citation dans la citation : «  Le paramo, c’est à la fois quand il pleut avec du vent, la  forme d’appeler ce phénomène, et l’endroit où ce phénomène a lieu. « Para » vient du quechua « pluie ». «Paramo » signifie donc « pluie permanente ». De là vient le concept. Il existe une confusion avec les Espagnoles pour qui « paramo » signifie « désert ». Parfois, on nous dit « vous êtes fous ! Pourquoi vous battez vous pour un endroit où il n’existe rien ? ». J’ajouterais, hors citation, que dans les Andes, on appelle « paramos » les écosystèmes de montagne captant l’eau des nuages et distribuant cette eau dans les rivières qui y naissent.
Mais poursuivons le récit. « Il s’était donc mis à paramer », un mélange de pluie et de vent fort, au milieu d’un paramo baignant dans la brume. « Les gens se sont mis à être terriblement inquiets et il y eu un vent de panique. De voir le paramo ainsi, avec un ciel noir, ils ont commencé à rebrousser chemin. Ceux qui ne connaissaient pas ce phénomène, disaient « la  montagne nous tue ». Cette petite phrase « la montagne nous tue », a été comme une révélation de leur conception de la nature. La montagne est un être vivant. Elle ne les laissait pas passer».  Ils partirent 500, furent 4000 et finirent à 180. « Nous sommes descendus dans la forêt et nous avons attendu le retour des autres… Ils ne sont pas revenus. Nous avons continué à marcher. Le temps avait changé. Le ciel s’était dégagé et le soleil avait fait son apparition. Nous nous sommes retournés et nous avons vu les lacs. Nous avions franchi la montagne et étions au campement de la mine».  

Ceux qui ont franchi le paramo, malgré leur nombre insuffisant, décident d’attirer l’attention du pays sur eux et tentent le tout pour le tout, en occupant la plateforme d’exploration et en demandant l’intervention des autorités … qui ne viendront pas. Délogés de la plateforme par les forces de la sécurité de l’entreprise et par la police, alors qu’ils se décident à repartir, « les gens ont commencé à revenir. Ils avaient su par radio que nous étions arrivés au campement. Les rondas avaient motivé le retour des comuneros et nous étions de nouveau près de 4000 ». Ils campent à une heure de chemin du campement minier. Dans la nuit du 31 juillet au 1ier aout 2005, alors que tout le monde dort, la police attaque, balles et gaz lacrymogène. Ils se défendent comme ils peuvent. « Nous avons fabriqué des petits boucliers faits de branches, comme le font le amazoniens, sur les conseils de ceux de San Ignacio qui étaient aussi avec nous. Les médias diront plus tard que nous étions armés. Nous étions encerclés. Les policiers arrivaient en hélicoptère».

32 personnes furent séquestrées pendant 3 jours par la police et les forces de sécurité privée de l’entreprise minière. « Ils nous ont projeté du gaz lacrymogène dans les yeux, nous ont attaché par la ceinture et nous ont amené aux toilettes du campement minier à côté de la rivière. On entendait bien la rivière. On s’est dit : « Ils nous tueront et nous jetterons à l’eau », comme cela s’était déjà fait au Pérou. Le premier jour, ils ne nous ont pas donné à boire. Avec tout le gaz lacrymogène qu’ils nous avaient envoyé au visage, nous avions les yeux, les narines et la gorge irrités et soufrions d’acidité. C’était comme s’ils nous disaient : « vous mourrez d’asphyxie et de déshydratation, ce n’est pas nous qui vous aurions tués». Le deuxième jour, un fiscal (procureur) de l’Etat est venu nous rendre visite. Il nous a accusés et nous a insultés, comme un policier de plus. Le troisième jour, alors que l’entreprise disait qu’il n’y avait pas de détenus, pas de morts, les gens, qui ne nous voyaient pas revenir, ont commencé à sortir dans les rues des villes et des villages, se solidarisant avec nous, demandant de l’aide au gouvernement pour qu’il fasse quelque chose ». Face à cette pression, enfin, les détenus sont relâchés. Entre le 31 juillet et le 2 aout 2005, dans les montages de la cordillère surplombant Ayabaca, sur le campement miner de l’entreprise Rio Blanco, le calvaire infligé aux opposants à la mine s’est soldé par la mort d’un comunero de plus.

Toute cette histoire aurait très bien pu n’être qu’une histoire, la valeur de la parole de 32 personnes  ne faisant pas le poids face à celle d’une multinationale minière, si quelques temps plus tard, des photos prises lors de cette séquestration, où l’on voit, avec tous les détails, les actes de torture et même la tentative de faire disparaître le corps du comunero décédé, n’avaient pas été rendus publiques par un ancien employé des services de sécurité de la compagnie minière présent sur place…
Voici ces photos.

4 –Enfanter dans la douleur

Peut-être que dans un autre contexte, dans un autre endroit, une telle mésaventure aurait eu raison de la détermination des communautés, mais à Ayabaca, ce ne fut pas le cas. S’ensuivent d’autres épisodes, certains victorieux, d’autres douloureux. Il y a par exemple l’histoire de la consulta que je vous ai déjà racontée. Finalement, la compagnie a fermé ses bureaux en ville d’Ayabaca et a décidé de concentrer son activité dans la province voisine, celle de Huamcabamba.

Et aujourd’hui, quel bilan peut-on faire ? La concession existe toujours, l’entreprise se trouve dans la phase de « réparation des impacts», la répression continue . Quant aux communautés à la culture métissée, mélangeant catholicisme et croyances ancestrales, aujourd’hui, leurs maîtres-mots sont « autosuffisance, autosubsistance et autonomie.  Aujourd’hui, les gens qui vivent dans cette partie du monde se sont mis à reforester leurs campagnes avec des arbres locaux, réfléchissent à des produits dérivés de la feuille de coca et voient le tourisme rural, géré directement par les communautés comme une possible source de revenus qui leur permettrait aussi de faire connaître leur lutte. Il faut dire qu’avec tous les vestiges archéologiques disséminés dans cette nature magnifique, il y a de quoi faire. Ils croient aussi au commerce équitable pour vendre les excédents de leur production, même si, pour eux, « l’exportation est secondaire ».

Ce dont ils ont besoin ? D’une route asphaltée pour désenclaver la région, de canaux d’irrigation pour parer aux aléas climatiques … et de se former.  A ce sujet, la fédération des communautés paysannes d’Ayabaca cherche de l’aide pour construire un local qui devrait servir de centre de formation pour les paysans des alentours. Vous êtes architectes ou étudiant en architecture ? Ils se proposent de vous accueillir sur place en échange d’un petit plan ... Peut-être même que cela pourrait se faire à distance, je n’en sais rien, moi, quand j’ai besoin, je creuse un trou… J’entends déjà les mauvaises langues me comparer à  la mine, mais rien à voir, tout est une histoire d’échelle !
Enfin, pour revenir à l’affirmation d’Alan Garcia sur la supposée pauvreté de la province, à Ayabaca, on n’est pas d’accord : « C’est un mensonge total de dire qu’Ayabaca est pauvre. Les indicateurs qu’ils utilisent pour mesurer la pauvreté sont de type occidental. Ils ne disent pas combien de vaches on a, combien de pomme de terre on produit. Ils ne voient pas nos richesses, ils comptent l’argent».

Je vous laisse le soin de juger par vous-mêmes.

Pauvreté ou pas pauvreté ?

A oui, j’allais oublier. Qu’est-ce qu’a donné la visite chez le maire (qu’on avait rencontré à Bagua lors de la réunion de l’ORPIAN)? On nous avait prévenus, « le maire fait de la politique ». Verdict : assisté, voire dépassé par ses conseillers (pour sa défense, on a appris plus tard qu’il avait des soucis de santé), il nous a fait un discours réchauffé, un peu langue de bois et tout à fait consensuel. Nous avons aussi eu droit à une séance photo.  On se demande bien quelle sera le commentaire qui accompagnera nos têtes dans le journal de la mairie. Heureusement pour moi, j’étais bien cachée au fond d’une poche… comme d’habitude. Qui n’a jamais rêvé d’être une petite souris ?

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Venceremos
Kri kri
Irkita

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