Chiquito, ça veut dire petit, comme moi. Les Chiquitanos, je les aime bien par avance et en plus pour aller les voir, on prend le train, ça nous change du bus. Et gruyère sur le gruyère sans trous – et donc de Suisse parce que les meilleurs des gruyères sont suisses, tout le monde le sait – on va dans la région des utopies jésuites, témoignage d’une époque étrange et un peu anachronique pendant laquelle des Blancs religieux n’ont pas complètement massacré les indigènes ! Bon, c’était sans compter avec le Pape de l’époque qui les a finalement mis hors des Amériques. Mais tout ça c’est de l’histoire bien ancienne, aujourd’hui, il reste une dizaine de villages en souvenir de cette époque, avec des églises uniques notamment celles en bois … qu’on ne verra pas parce qu’à San Jose, elle est en pierre.
Nous arrivons de nuit après un voyage en train bien moi sympa que je l’imaginais. Genre trains « secouez-moi » pendant sept heures ! Dire que j’étais contente de changer du bus. Si dans le Chapare le son de l’air humide et tiède avait fait « wouf » dans nos poumons, ici, c’est « wouf wouf » (comme le chien). La première fois, l’aboiement du chien dans les poumons (de souris), ça fait toussoter un peu, faut le savoir. A San Jose, il fait très, très, très chaud. Après quelques heures de sommeil moites avec comme seul « aide-brasseur d’air » un pauvre ventilateur bien fatigué qui fait tout de même tout son possible pour nous aider, ce qui se fait sentir niveau sonore, nous partons nous balader en évitant le plus possible le soleil, ce qui n’est pas facile, à la découverte de l’église monumentale de se petit village aux chemins rouge-ocre bordés de tout à l’égout odorant. Après quoi, en attendant d’aller voir nos amis de la central indigena, nous succombons à la chaleur avec notre compagnon ventilateur toujours aussi bruyant. J’ai hâte de les voir, ces petits hommes.
Enfin, voici l’heure, et ma déception est à la hauteur de la non-petitesse des Chiquitanos. Ils sont comme les autres humains. Pourquoi les Guaranis les appelaient donc « les petits combattants » ? Nous sommes reçus par l’ensemble des dirigeants au grand complet qui nous parlent de cette fameuse route. Avant, on la lu dans un livre qu’ils ont écrit avec une ONG bolivienne, cela ne leur plaisait pas du tout. Mais aujourd’hui cela les dérange un peu moins, même si cela continue à les déranger. Pas évident de comprendre si cela représente un problème ou pas. On sent un poil (de souris) de langue pas de bois, ou du moins une certaine retenue.
En fait, sans jeu de mots, ce qui ne leur plait pas semble-t-il, c’est d’être laissés sur le bord du chemin du développement économique si proche. Parce que la route est perçue comme telle. Elle est à la fois destructrice du mode de vie traditionnel, mais est aussi un lien avec ce fameux développement économique que vrombissent les radios, les télés, les panneaux publicitaires et tout le reste. C’est pour cela qu’ils souhaiteraient en profiter à leur tour et avoir des écoles, des dispensaires, de l’électricité, de l’eau courante, des transports en communs et du travail. C’était bien le but affiché des projets de l’IIRSA , mais en réalité, il n’en est rien. Le désenclavement promis n’est pas suivi des faits.
Mais les grand-petits hommes ne veulent pas trop avoir l’air de se plaindre non plus, nous expliquent-ils. D’accord ! Nous leur disons au revoir et repartons vers notre transport du jour : un bus de nuit. Chouette, ça faisait longtemps. Ce fut une expérience terrible. A l’intérieur du bus, sans amortisseurs sur une route faite de culs de poule, un son digne d’un marteau piqueur au matin ou celui de la perceuse du voisin dans le mur à côté de l’oreille au réveil… pendant dix heures. Dix heures de shaker avec comme ingrédients dedans des humains et une souris ! Le train, c’était du beurre en comparaison. Mais nous arrivons quand même, à priori, en un seul morceau bien tassés à Santa Cruz. Ouf, la terre ferme…
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