mercredi 23 décembre 2009

Cochabamba, Chapitre 1 : la guerre de l’eau a-t-elle eu lieu ?

C’est parti. Anna passe les coups de fil. Pas de réponse. On va dans les bureaux des organisations impliquées soit dans le conflit à l’époque, soit dans l’écologie aujourd’hui : personne n’est là. Ici, ou peut-être pour nous uniquement, il y a une sorte de malédiction, dirait-on. Quand on était à La Paz, les personnes qu’on voulait rencontrer, étaient à Cochabamba. Maintenant qu’on y est, elles sont à La Paz. « Revenez mercredi » nous dit-on. On est lundi. « Allo, Mme la Sénatrice, alors pour notre rendez vous prévu ce matin ? Faut qu’on rappelle demain matin ? Très bien, à demain alors ». Demain, demain, toujours demain…

Pas grave, on insiste, tout en se baladant en ville. Faut dire que les bureaux des ONG environnementalismes sont bien placés : centre ville et immeubles modernes. Sur la place centrale de la ville, on tombe sur des groupes de gens en train de discuter en rond. Il y en a avec des cartes du monde et des copies d’articles de presse. D’autres avec des tables remplis de documentation izquierdista (de gauche) et des panneaux en bois avec la presse quotidienne commentée. Tiens, c’est une des organisations dont on a le contact. Leur bureau n’est pas loin, on passe le voir. Ils sont présents et nous reçoivent directement ! Ca fait plaisir. Leur bureau ressemble à celui d’une association et pas d’une entreprise. Tenons-nous le bon filon ? On le saura plus tard, parce qu’ils n’ont qu’une demi heure à nous consacrer maintenant et pas assez de temps pour nous répondre de façon approfondie. On se met d’accord tout de même pour dormir à la maison-lieu associatif-dortoir-bibliothèque-école de l’association et pour repasser plus tard.

On consacre notre après midi à chercher des contacts qui veulent bien nous parler de la guerre de l’eau, tout en se baladant en ville : « tient, il y a encore des machines à écrire ici ! » Et ca avance : rendez vous pris pour le lendemain avec quasiment tout le monde. Super ! Et en plus, on profité de supers vues que l’on a du haut des bureaux des ONG. Par contre on nous fait comprendre qu’on ne peut pas aller dans partie sud comme ça. « Pourquoi ? Est-ce dangereux ? » « Non, c’est parce que ses habitants y sont susceptibles. » De quoi ? Pas de réponses, mais on espère quand même bien l’apprendre plus tard.

Bientôt l’heure de repasser voir nos copains. Nous voici à l’hôtel pour récupérer les sacs pour le changement de lit. Je ne sais pas combien de lit et de trou à souris on a déjà fait, mais cela ne fait que commencer. Dans la salle où sont posés les sacs, un vieil homme est assis dans le noir en train de pianoter sur son ordinateur. Il vient du Luxembourg et nous explique qu’il est en Bolivie pour construire une ville miracle écologique, autonome, et autosuffisante de 30 000 habitants pour les classes moyennes basses de Bolivie. Coût du projet : seize milliards d’euros, dont un qu’il met de sa poche, 380 000 par un lui seront donné par ses anciens étudiants, et il espère aussi de l’aide de ses amis musiciens dont Paul Mccartney qu’il connait depuis 40 ans! Rien que ça. Quelle histoire de fou ! Avons-nous à faire à quelqu’un avec beaucoup d’imagination ? On prend ses coordonnées pour le vérifier plus tard.

Direction les locaux de l’association où l’un des responsables nous reçoit pour qu’on discute de la guerre de l’eau. Enfin ! Selon lui, ce n’est pas glorieux. Il nous explique qu’aujourd’hui tous les leaders du mouvement font de la politique (sont élus ou ont accepté des postes importants), dont beaucoup sont passés dans les partis de droite, que l’entreprise publique victorieusement arrachée par le peuple (jadis) uni ne fournit toujours pas d’eau à la zone sud et qu’elle est toujours aussi mal gérée et corrompue… Bon, il ne s’agit que d’un son de cloche, mais on est un peu déçus quand même. « A quoi a servi la guerre de l’eau alors ? » « A politiser et conscientiser le peuple, cela a été la première brique qui a permis à Evo Morales de devenir par la suite président du pays. »

L’entretien terminé, il nous reste encore le temps de filer de nouveau vers la place centrale pour participer à une des rondes de discussion quotidiennes du soir. Un jeune couple argentino-brésilien nous parle des mouvements sociaux en Argentine. Tous les jours, toute la journée, toute l’année, il y a des groupes qui débattent dans une atmosphère d’agora grecque. Et ça, avant la guerre de l’eau, cela n’existait pas. Cela n’existe pas ailleurs non plus apparemment On y fait connaissance avec notre deuxième fou de la journée. Enfin, fou, façon de parler. Ici, on l’appelle « le Suisse » et on dit de lui qu’il est six mois de l’année en Suisse et six moi sur la place. C’est surement vrai et c’est très drôle de le voir expliquer en criant à son auditoire bolivien ses analyses sur la situation politique de la Bolivie. Troisième fou de la journée : un palestinien bolivien de la première génération qui nous fait une présentation antisioniste, voire carrément antisémite, difficile à prendre au sérieux, mais avec conviction sur ces « ignobles juifs » qui ont pris le pouvoir partout sur terre ! La Bolivie est un pays incroyable !

Bien fatigué de la journée, nous voici enfin parti vers la maison-lieu associatif-dortoir-bibliothèque-école où nous allons dormir. Encore une quinzaine de minutes en taxi parce que c’est un peu excentré. Nous voici arrivé. Pour ce qui est du confort, c’est à peine au dessus du trou de souris : lit en paille et pas d’eau courante. Dans la ville de la guerre de l’eau, c’est un peu comble, mais cela nous permet de mieux nous rendre compte de ce qu’on nous expliquait peu avant : « l’eau, il y en aura peut-être demain matin ». Allez, au lit (de paille) et bonne nuit (avec les moustiques).




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Kri kri
Irkita

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