jeudi 21 janvier 2010

[MAJ] 06-01-2010 : Corocoro, Chapeau melon des champs contre casque de mineur de ville.

Les rats des champs en Bolivie, quand ils habitent en altitude et qu’elles sont des filles, portent des chapeaux melon à faire pâlir les anglo-saxons. Cela fait partie de la tenue traditionnelle des femmes de la nation Aymara. A Corocoro, une ville minière de l’altiplano, on trouve une autre tribu : ceux qui portent un casque de mineur.

Le héros de la « Place du Mineur » porte une mitraillette (parce que c’est un héros) et un casque. Sur les affiches de soutien au candidat local à l’assemblée législative, Evo Morales porte un casque. Dans les rues, on porte le casque. Et même le Dieu des évangélistes de l’église du nazaréen, une secte protestante locale, porte un casque. Pour les souris, je n’en ai pas vu, mais elles doivent certainement porter un casque aussi. Autant dire qu’en ville, à Corocoro, on est pour la mine. Pour la blague, ici, le futur candidat du MAS, même s’il n’y est pour rien, a pour nom de famille « Plata-plata » ce qui veut dire « Argent-argent ».

Et on les comprend, les habitants de la ville de Corocoro. Enfin, les habitants de l’ancienne ville, parce qu’aujourd’hui elle ressemble plus à une cité fantôme dont les trois-quarts des constructions tombent en ruine. Comme on comprend le peu d’enthousiasme qu’ont les communautés rurales qui vivent à une trentaine de kilomètres de là, en aval. L’idée de se retrouver avec une eau polluée par l’exploitation minière n’est pas pour les ravir. En effet, pour eux, plus encore que plus les autres, l’eau c’est la vie : la vie de leurs bêtes, la vie de leurs récoltes, leur vie à eux.

Ici, on se rend bien compte que certaines villes n’auraient pas existé si on n’avait pas décidé d’y creuser une mine. Et puis, un jour, pour une raison ou pour une autre, la mine ferme, et la ville se décompose lentement, mais surement et finit par disparaître. L’ancien cinéma, de belles bâtisses coloniales en ruine et les trottoirs défoncés de Corocoro sont là pour en témoigner. On a ainsi d’anciennes villes minières fantômes un peu partout sur terre. La mine est donc associée à une époque où on était plus riche – en argent, mais aussi en termes de pollution, il faut bien le dire, même si ce n’est pas vraiment de cela dont on est nostalgique. Logiquement, le renouveau de la mine, même si le projet prévu se fera à ciel ouvert et en pleine ville, apporte paradoxalement l’espoir de voir la vie revenir.

A Corocoro, il va falloir que les rats des champs et les rats de ville s’entendent. Entre ceux de la ville, pour la mine, et ceux de la campagne, contre, l’entente n’est pas cordiale, et il y a déjà eu des échauffourées. Quand on sait que les premiers sont soutenus par le gouvernement et que les seconds sont protégés par la nouvelle Constitution, pas facile d’imaginer une solution contentant tout le monde. On souhaite bonne chance à ceux qui seront chargés des négociations, en espérant que, pour une fois, la règle habituelle, c'est-à-dire celle du plus fort, donc de la mine, ne sera pas la seule gagnante ! Mais cela semble bien parti pour et quand on sait quels sont les impacts socio-environnementaux de l’industrie minière, on craint le pire pour les habitants de la municipalité de Corocoro.


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Kri kri
Irkita

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