Ca fait une semaine qu’on est en Equateur et on est complètement perdus. Ou presque. De ce qu’on croit en avoir compris, le panorama politique du pays est bien complexe. Le gouvernement - qui a mis en place un certain nombre de politiques sociales, notamment les bonos (allocations en français) aidant les plus démunis du pays à raccorder les deux bouts chaque mois, - est taxé pour cela de populiste et assistencialiste, non pas (seulement) par la droite, mais par les indigènes et les écologistes. Concernant les indigènes, on les croyait à gauche, mais on a appris que via leur parti politique, le Pachakutik, ils ont été capable dans le passé de faire alliance avec des militaires putschistes de droite !
Pour ce qui est des projets de développement, ils ne cadrent ni avec le discours officiel, ni avec les promesses de campagne et « l’agenda environnemental » d’Alianza Pais, le parti-mouvement du président Rafael Correa. Les programmes à la patine socialiste et visant à fortifier l’Etat national vont de pair avec une politique de développement tout ce qui est de plus conventionnel, « sénile » pour certains , c'est-à-dire basée sur l’exportation des matières premières, mais que la gauche au pouvoir justifie de la manière suivante : « pour développer le pays, il faut bien trouver de l’argent, alors pourquoi se priver de la richesse du sous-sol du pays car si les gains obtenus grâce à celle-ci sont bien redistribués, où est le problème ?». Ou encore, en version un peu plus nuancée (ou encore plus hypocrite ?), « cette étape [extractiviste] est obligatoire pour pouvoir mettre en place des véritables alternatives et engager le pays dans la transition vers une économie post-pétrolière ». De leur côté, les organisations écologistes - « infantiles » selon le Président -, certains intellectuels de haut rang et les indigènes seraient en train de passer (ce qui était déjà probablement le cas pour les indigènes), dans l’opposition. Mais pas dans l’opposition de droite (cela serait trop simple !), car, évidement, il y a opposition et opposition. Aux critiques classiques et attendues des grandes fortunes du pays, qui se sont partagées le pouvoir pendant des décennies menant la fronde depuis Guayaquil et qui qualifient aujourd’hui (sans surprise !) le gouvernement de communiste, s’ajoutent maintenant celles de certains acteurs importants de la société civile positionnés à gauche et qui, de leur côté, n’hésitent plus à qualifier l’action gouvernementale de néolibérale et le discours présidentiel de raciste.
Enfin, comme les mouvements sociaux et la CONAIE , la puissante organisation indigène, ont eu beaucoup de mal à se situer face à un gouvernement positionné à gauche, s’ensuit une cacophonie de déclarations critiques de l’action gouvernementale, plus ou moins virulentes et souvent contradictoires, qui tendent à accentuer le lent affaiblissement des mouvements sociaux et les décrédibilisent en partie. Quant à Rafael Correa en personne, sans diplomatie aucune et parfois avec une certaine virulence, il semble bien aimer enfoncer le clou et taper là où ça fait mal. Même si le ridicule ne tue pas, il est dur de se faire des amis chez ceux qu’on ridiculise. « Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi », pourrait être en substance la dialectique utilisée par le Président. Quand on connait sa popularité, on se rend bien compte de la complexité de la tâche de ceux qui souhaitent participer à la construction d’un nouveau pays, sans être pour autant ni inféodés ni traitres.
Finalement, la question est de savoir comment trouver l’équilibre et la méthode permettant de critiquer de façon constructive, sans pour autant l’affaiblir, un gouvernement-où-on-a-des-amis-mais-aussi-des-ennemis, tout en se préservant d’être associé à une opposition de droite formée par l’élite économique et d’anciens dirigeants du pays, au profil conventionnellement ultralibéral et raciste, toujours aux aguets et qui n’hésite pas à utiliser les médias de communication dont elle contrôle une bonne partie pour semer la zizanie ! Attention, migraine…
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Kri kri
Irkita