Plouf, plouf… Vous connaissez ce bruit, les bombes à eau du carnaval de Cajamarca que nous avons évitées fièrement jusqu’à là (ou plutôt qui nous ont toujours manqués ?). Et bien, cette fois-ci et à quelques minutes de notre rendez vous, le bruit est celui de la douche que nous venons de prendre. Bon, j’exagère, on n’est pas complètement trempés, juste mouillés, nuance, et il fallait bien que cela nous arrive un jour. Mais ça surprend, surtout que le projectile nous a atteints en plein milieu d’une route, en panique, en train d’essayer de la traverser.
Le « régisseur » (équivalent de directeur), qui a accepté de nous recevoir du jour au lendemain, est quelqu’un qui nage à contre-courant au sein de sa structure. A Cajamarca, vous l’aurez compris, officiellement, on est pour la mine, puisque c’est le développement, la richesse, etc. Sauf que lui, son travail c’est, entre autres, la protection de l’environnement dans la région. En clair, il a du boulot. Ce qu’on souhaite savoir en premier, c’est s’il a vraiment les moyens de travailler ou si sa direction existe parce qu’en 2010 tout le monde doit posséder sa carte « écolo ». Très sincère, il nous avoue qu’il manque cruellement de moyens et qu’il doit faire appel au financement de la coopération internationale pour s’en sortir. Nous y retrouvons, entre autres, la coopération allemande, la GTZ. A leur sujet, comme on l’a appris à Cochabamba et comme cela nous a été confirmé par la suite, ils aiment bien l’eau. Et on commence à bien connaître leur logo. C’est incroyable.
En tenant compte de l’Histoire, je m’attendais à voir l’Espagne plus présente en Amérique latine, mais, non, il y a les Allemands, souvent, les Danois, les Suisses, les Suédois, les norvégiens, les Italiens et des ONG chrétiennes. J’en oublie forcément, mais mise à part les gouvernements régionaux de Catalogne et du Pays Basque, on croise très rarement la coopération Espagnols (ce qui n’est pas le cas pour les entreprises, bien sûr).
En tenant compte de l’Histoire, je m’attendais à voir l’Espagne plus présente en Amérique latine, mais, non, il y a les Allemands, souvent, les Danois, les Suisses, les Suédois, les norvégiens, les Italiens et des ONG chrétiennes. J’en oublie forcément, mais mise à part les gouvernements régionaux de Catalogne et du Pays Basque, on croise très rarement la coopération Espagnols (ce qui n’est pas le cas pour les entreprises, bien sûr).
Notre fonctionnaire semble sincère dans son combat ingrat. Au-delà de son beau bureau et de sa belle fonction, il se coltine toutes les conséquences sociales et environnementales des projets miniers qui, eux, sont décidés par le Ministère de l’énergie et des mines à Lima. Pour être claire, il a souvent les oreilles qui sifflent. Pour les communautés paysannes, la Région est responsable, du moins en partie, de ce qu’elles vivent. Et pour les compagnies minières, c’est une gêne.
Le « grupo Norte », un groupe d’entrepreneurs de Cajamarca parmi lesquels figure Yanacocha (enfin, on aurait tout aussi bien pu dire « dirigé par Yanacocha »), a élaboré un plan d’action pour faire face au projet de zonification économique et écologique mené à bout par notre régisseur avec la participation de Grufides, de la table de concertation, etc. Manque de bol, ce document confidentiel a amplement circulé, pour des raisons qui nous sont inconnues et certainement par erreur. Dans ce plan, l’une des actions consiste à lancer la rumeur sur l’intention du régisseur de se lancer en politique, raison pour laquelle il serait en train de se faire une image d’écolo. La méthode est classique, mais elle aurait pu créer une forte animosité entre le président de la région et l’un de ses cadres ! « Dans l’eau » pour cette fois, mais jusqu’à quand ?
Afin de ne pas rester les bras croisés face à toutes ces injustices et avec les moyens dont il dispose, le régisseur qui nous reçoit nous explique que sa direction est en train de finaliser la zonification économique et écologique de la région, dont l’objectif est de définir les activités autorisées et interdites dans chaque zone en fonction de son potentiel écologique. Par exemple, là où mes copines les vaches font du lait, on ne peut pas autoriser l’installation d’une entreprise minière, car cela risquerait de plomber leur production ! Au final, ce projet qui consiste à dire ce qu’on peut faire et où on peut le faire une bonne base pour définir ce que l’on veut que le territoire devienne.
Qu’en penser ? D’un côté, on peut critiquer et dire que cela transforme la nature en supermarché (en plus y a des fromages à Cajamarca) et que cela s’intègre dans une logique de marchandisation de celle-ci, mais d’un autre côté, c’est peut-être une bonne piste de défense en attendant des jours plus kri-kris au Pérou ? Dans tous lescas, il s’agit d’une bonne volonté et lorsqu’elle vient des pouvoirs locaux on ne peut que la féliciter, non ?
Enfin, et pour conclure avec Cajamarca cette fois-ci, il faut que je vous parle de la table de concertation, de son nom complet « table de concertation pour la lutte contre la pauvreté ». Non, il ne s’agit pas d’une pratique ésotérique. A l’origine, ces « tables » (on dirait peut-être bureaux en français) ont été mise en place suite à la dictature de Fujimori, afin de permettre aux acteurs de la société civile de dialoguer avec les autorités, autour d’une table donc, dans le but de résoudre les conflits locaux et de générer des propositions. Présentes dans de nombreuses provinces, elles sont donc un pilier de la démocratie locale et participative au Pérou.
Malheureusement pour le gouvernement, il se trouve qu’elles sont aussi une plateforme pour la contestation, notamment anti-minière. Du coup, selon les provinces, elles sont poussées vers le placard. Difficile de se concerter avec la poussière, elle n’est pas très loquasse ! Mais, bon, les copines de celle de Cajamarca nous reçoivent dans l’école qui leur sert de bureau. On ne sait pas bien si elles sont institutrices et bénévoles de la table de concertation ou employées de celle-ci et finalement peu importe, puisque de toutes façons, c’estelles qui s’occupent de la faire fonctionner. Actives sur les conflits miniers et sur la problématique de développement autodéterminé, elles nous font un rapide exposé de la situation politique régionale (c'est-à-dire celle du département). En plus de « Tierra y Libertad » de Marco Arana, elles nous apprennent que les parties de gauche se sont réunis dans un front commun et ont piqué le sigle d’Evo Morales.Et oui, à Cajamarca aussi, il y aussi un « MAS », mais celui-ci signifie « mouvement vers l’affirmation sociale ».
Et voilà, Cajamarca, c’est fini et l’apparence ringarde de la petite souris aussi ! Je suis passé chez un relookeur et voici ce que cela donne. Moderne, n’est ce pas ?
On apprend aussi que San Ignacio, une autre province du département de Cajamarca, où nous n’avions pas vraiment prévu d’aller, en plusd’être une province écologique, de mettre en place des projets de développement alternatifs, d’avoir dit « non à la mine », possède aussi une table de concertation exemplaire! Va falloir aller voir !
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