(mise à jour le 11 avril 2101)Il est midi et on arrive enfin à voir notre ami « spécialiste du café », ancien gérant d’une grande coopérative, rencontré à Bagua deux jours avant. Comme d’habitude, le premier coup de fil s’est conclu par un « je te rappelle dans une demi heure ». Comme d’habitude, c’est nous qui avons rappelé. On commence à le savoir : le « je te rappelle dans une demi heure » veut en fait dire « rappelle-moi dans une demi heure si tu veux qu’on parle ». Voire, « dans une heure ou deux ». Du moins avec cet ami là … et avec quelques autres, il faut bien l’avouer.
C’est parti pour la balade. Nous allons le plus proche possible de la ville, puisqu’il est déjà tard. Sur le chemin, nous nous acquittons, un peu moins frileux que la première fois, de la « taxe » des rondas campesinas et arrivons dans le village des producteurs de café après moins d’une heure de route. C’est un beau village en adobe et en bois, niché dans une vallée verdoyante et fraiche. La nature est resplendissante, et nous n’y passons pas une après-midi dominicale désagréable.
Niveau alternatives - et plus proche de la raison de notre visite -, on nous explique que le village possède sa propre mini-centrale hydroélectrique, un système très simple, qui produit suffisamment pour tout le monde. Quant au producteur de café qui accepte de nous guider dans les plantations d’un voisin (absent), il ne travaille pas vraiment dans les circuits du commerce équitable. Le plus souvent, il subit la loi du marché, qui, certaines années, lui rend la monnaie de son effort, et, d’autres, lui permet simplement de continuer à s’adonner à ce qui est plus une passion qu’autre chose. En réalité, impossible de compter sur sa culture de café pour vivre.
Ce n’est un scoop pour personne, les lois des marchés internationaux des matières premières sont dures pour les paysans du Sud. Le café que nous payons 3€ les 250 grammes torréfiés, moulus et emballés (dont le prix ne change pas ou très peu !), peut être acheté à 110$ le quintal (c'est-à-dire 46 kg), ou encore à 2,4$ le kg. Parfois, c’est moins. Parfois, c’est plus, comme par exemple l’année dernière, lorsque, en raison de mauvaises récoltes au Brésil et d’un renouvellement des cultures en Colombie, les prix avaient monté en flèche et les revendeurs des pays voisins sont venus se servir en café au Pérou. C’était une bonne année pour les caféiculteurs, un peu moins pour les coopératives qui ont du acheter cher pour pouvoir honorer leurs contrats déjà conclus.
Quid du commerce équitable ? Il se matérialise, pour les paysans de Jaén, par une prime de 10$ par quintal par rapport au prix du marché. On y ajoute 20$ de plus si la culture du café est bio (et si le producteur bénéficie de certification correspondante). Il existe aussi un prix minimum d’achat qui permet de compenser, un petit peu, la baisse des prix dans les années difficiles.
La plantation du café que nous visitons est bio (ou « organique », comme on dit ici), et notre guide du jour nous explique les différentes techniques utilisées dans la zone : cultures « à l’ombre » des arbres fruitiers (bananiers, guabas, etc.), comme quasiment partout sur le continent, utilisation des engrais naturels, etc. Il nous explique aussi que ses trois hectares à lui - sachant qu’il faut entre 6 et 11 mois pour que les grains du café murissent - ne lui fournissent qu’un petit complément de revenus. Pourquoi alors il cultive du café ? « Par passion » nous répond-il en caressant un grain ramassé un peu plus tôt…
Merci pour la visite et bonne chance à ses deux enfants qui sont à l’université ! Avant que nous ne repartions pour Jaen et repassions devant les rondas campesinas toujours en train de faire leur ronde, un policier curieux, venu converser un moment avec nous, nous pose cette question : « Est-ce que dans votre pays les policiers sont aussi indulgents que chez nous ? ». Nous n’avons pas su quoi lui répondre. De retour en ville, nous saluons notre ami : rendez vous demain matin à 4h00 pour le grand départ vers l’Amazonie. Enfin !
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Kri kri
Irkita
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