mercredi 5 mai 2010

04-02-2010 : Du Rio Marañón au Rio Cenepa

(mise à jour le 5 mai2010)

Avec une demi-heure de retard (seulement), nous sortons de la maison du maire d’Imacita chez qui nous avons passé la nuit, en direction de l’épicerie du village d’abord, pour y acheter les produits qui vont nous nourrir pendant quelques jours : légumes, œufs et riz, pour l’essentiel. Le reste, on verra sur place. On a aussi avec nous les ananas et le café de San Ignacio. C’est notre petit trésor. Puis, nous embarquons. Encore quelques minutes, et nous voilà au milieu du fleuve Marañón, un des affluents de l’Amazone, que nous descendons pendant plus de 3 heures sur une lancha, un bateau qui serait le croisement entre une péniche parisienne et un canoë indigène … si les bateaux se reproduisaient.

Ce n’est pas que je me sente très à l’aise sur les bateaux, mais celui-ci semble entre de bonnes mains. Le copilote se pose devant, pour avoir plus de visibilité, et montre de la main au pilote se situant à l’arrière la direction qu’il doit suivre, pour éviter les deux pires dangers du fleuve : « los palos » et « los pongos. Los palos, dont la consonance me fait penser à « empaler » (mais que  est en fait un mot quecha signifiant porte), voyez l’image, sont des morceaux de bois dont la taille va d’une brindille jusqu’à un tronc, qui peuvent soit trouer la coque du bateau, soit endommager le moteur. Pas très sympa! Entre les deux, ceux sont les pires, parce qu’ils sont très nombreux, et parce qu’ils sont imprévisibles. Los pongos portent aussi leur sens dans leur prononciation. « PONG(os) », pourrait être le bruit de la coque lorsqu’elle les rencontre. C’est quelque chose qui se situe entre récifs fluviaux, rapides et tourbillons, mais dans tous les cas, il vaut mieux les éviter. Eux, leur spécialité, c’est le retournement d’embarcation. Evidement, pour nous faire peur, on nous dit qu’on va devoir franchir une zone de pongos qui durera 10 minutes. Evidement, ce n’est pas vrai et on n’en croisera que quelques-uns admirablement évités par notre pilote.

Malgré cela, le paysage que nous admirons est magnifique, à la hauteur de ce qu’on s’était imaginés. Parfois, nous croisons quelques embarcations qui remontent le fleuve. Dans cette partie du monde, où les routes n’existent pas (ou plus, dans cette partie de la forêt, autrefois, il y en avait une, mais on est pas certain d'avoir bien compris), la navigation fluviale reste le seul moyen de transport. Et beaucoup de personnes habitent sur les rives des rivières et des fleuves, dans des maisons faites de bois et de bambou, recouvertes des feuilles de palmier séchées en guise de toit. Autour de celles-ci, on peut apercevoir des parcelles où les communautés cultivent leurs aliments de base : bananes (platanos), yuca, cacao… 

Enfin, nous voilà, après trois heures de descente du Marañón, sur le rio Cenepa, le fleuve qui donne son nom au district vers lequel nous nous dirigeons. Par sa couleur, le nouveau fleuve ressemble à un grand bol de café au lait. Complètement lisse. Notre embarcation s’y glisse en douceur. 

Puis soudain, c’est le drame. Enfin, pour moi. Le choc sera aussi grand que lorsque mes deux compagnons avaient eu le culot, en ma présence, de dévorer un cousin à moi à San Marcos. A quelques mètres de nous, un autre de mes cousins, un peu plus grand certes, mais qui avait tout l’air d’appartenir à la grande famille des rats-souris-cuyes-et-assimilés, a eu la mauvaise idée de se jeter à l’eau au moment où nous passions à côté de lui … ou plutôt d’elle, car le cousin était une cousine, que j’ai même soupçonnée être enceinte. La lancha, menée par nos amis Awajuns, commence à la poursuivre. La pauvre bête réussit à déjouer la traque pendant plus de 5 minutes avant qu’un violent coup contre le bateau n'achève son calvaire. Et dire qu’Anna et Jérémy regardaient la scène sans sourciller. Quels barbares, ces humains…. 

Le pire restait pourtant à venir. Un des indigènes descend du bateau avant nous. Comme il a participé à la chasse (ou à la pêche ?), il a aussi droit à sa part. Le sang se met à gicler partout sur le bateau. Il dégouline et se mélange avec l’eau qui dilue sa couleur rouge vive et lui fait prendre maintenant des teintes de la … sauce tomate. Effroi et indignation. Devant mes yeux écarquillés, ils viennent de découper une patte à cette cousine assassinée qui avait seulement souhaité traverser le fleuve… Le spectacle de ses articulations mises à nue, de sa chair rouge vif et de ses mamelles mutilées qui ne nourriront pas ses petits finit par avoir raison de mon courage et je ferme les yeux en me réfugiant au plus profond de la poche dans laquelle je fais le parcours… Les souris et les hommes ne font pas partie du même monde. 

L’Amazonie, ça commence bien !



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Kri kri
Irkita

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