1 - L’Amazonie, les rives du rio Cenepa, chez les Awajuns : nous y sommes.
2 - Le Cenepa : Mamayeque, premier apu, première communauté.
A notre arrivée, notre ami Apu des apus (c’est-à-dire président de l’organisation indigène du district) nous explique que nous n’allons pas pouvoir assister à la réunion qui se tiendra le lendemain matin dans la capitale du district et où on parlera du projet minier. Dommage, on était bien intéressé d’en apprendre plus… Mais on accepte l’interdiction. La raison en est simple : « une personne du Ministère de l’environnement sera présente et on ne veut pas donner au gouvernement les raisons de spéculer sur la présence des étrangers et la manipulation de notre lutte par des ONG ». Il faut dire que pour arriver jusqu’au Cenepa il faut avoir une autorisation des organisations indigènes. Pour notre part, on nous en a donné une à l’AIDESEP : un beau papier signé par la présidente qui nous sert beaucoup. L’Apu nous promet, à son retour, de nous expliquer tout ce qu’on veut savoir sur le projet minier. A quand donc son retour ? « Je vous rejoins dès que la réunion est terminée. ». Elle a lieu le lendemain, donc probablement le surlendemain, interprète-t-on. « En m’attendant, si vous êtes d’accord pour payer l’essence, vous pouvez visiter les alentours ». Bonne idée, on n’a pas pris beaucoup d’argent, mais on ne va pas non plus faire des centaines de kilomètres. Après nous nous êtes installés dans l’école ancestrale, nous demandons à nos compagnons de gîte si nous pouvons visiter le village voisin tout proche. Ils insistent pour nous accompagner. Nous voici partis pour une petite marche à travers la forêt. Youpi, un peu d’aventure et surtout du mouvement! Alors que nous ne marchons que depuis 5 minutes, une embarcation faisant un terrible raffut se rapproche de nous : un peque peque (ou « peke peke »). A entendre le bruit hoquetant de son moteur, on comprend pourquoi on l’appelle ainsi. En moins de temps qu’il faut pour le dire, nous voici à son bord en direction du village de Mamayeque. On reconnait bien le côté péruvien des Awajuns. Ici, comme en ville, comme sur la Côte, on ne marche pas…
Chose promise, il y fait chaud et humide, très humide. C’est rare pour une souris, mais j’en transpire même. Nous venons de retoucher terre après quelques 4h de traversée sur l’une des embarcations de l’ODECOFROC, l’organisation Awajun du district du Cenepa et membre de l’ORPIAN.
Nous arrivons au siège de l’organisation. Concrètement, il s’agit d’un lopin de terre, au milieu duquel trône une grande bâtisse, qui, malgré son côté brinquebalant, possède une certaine allure, genre « manoir hanté de la jungle ». A l’intérieur, pourtant, pas de fantômes, si ce n’est ceux dessinés sur un poster censé représenter la cosmovision awajun et dont l’iconographie composite surprend un peu : un peu chrétienne, un peu animiste, une pincée de bouddhisme et l’étoile communiste. Enfin, c’est ce que voit un « non-initié ». Chose exceptionnelle, peut-être unique dans le district, la construction possède deux étages dont l’ascension peut prendre, parfois, un côté épique, lorsque, prenant appui au milieu des escaliers sur une marche complètement vermoulue, on s’aperçoit que la suivante n’existe pas et qu’il va falloir s’élancer ainsi jusqu’à la suivante-suivante. Heureusement, que je ne pèse pas lourd…
Au rez-de-chaussée de la bâtisse, c'est-à-dire au premier étage pour l'Amérique latine, on trouve les chambres des employés, avec des portes posées au sol (je ne sais pas pourquoi des portes, mais ce sont bien des portes) recouvertes de literie pour faire office de lit. Au seconde étage (l’équivalent de notre premier), il y a le bureau de l’organisation, avec un ordinateur et une imprimante, alimentés par un groupe électrogène lorsque celui-ci fonctionne, c'est à dire très rarement, et, enfin, le plus important, dans un coin, le centre radio, qui permet de communiquer avec toutes les communautés des environs équipées du même système de transmission radio. Sur le reste du terrain, à proximité du "manoir", on trouve la salle de réunion des apus, une construction circulaire, dont le sol à failli être notre chambre, un peu plus loin, deux habitations jumelles, l’une en ruine et l’autre en construction : l’ancienne et la nouvelle demeure de l’un des employés. Proche du ruisseau-salle-de-bain, on accède à la maison de l’énigmatique « programme des femmes » dont on ne nous expliquera jamais le contenu. Enfin, beaucoup plus excentrée, séparée du reste par un ru épisodique (dont le niveau monte considérablement quand il pleut), franchissable par un rondin de bois (quand il ne pleut pas), notre palais : l’école ancestrale [LIEN]. Construite dans le cadre d’un programme de soutien à la récupération de la culture awajun et financée par le National Native Addictions Partnership Foundation Inc. (avec des fonds del’agence canadienne de développement international), elle sera notre demeure pendant 4 jours. L’ensemble, enfin, est complété par quelques m² dédiés à la culture de la yuca et d’autres aliments de base, de deux cabanes-toilettes-maison-des- araignées-géantes, et de la rivière-salle-de-bain.
Environ une dizaine d’employés de l’organisation, enfants compris, seront nos compagnons pendant notre séjour ici. Tout comme des dizaines de poulets et de coqs, proliférants, dont l’arrogance et l’insolence prouvent qu’elles et qu’ils croient être en territoire conquis (« croient», façon de parler, évidement). Chose insolite, ces poules là ne font pas d’œufs, nous a-t-on expliqué. Sincèrement, nous n’avons toujours pas compris pourquoi. Il faut dire que nous ne sommes pas non plus spécialistes dans ce domaine. Autre chose curieuse, on ne les mange pas, parce qu’elles/ils font parti du mystérieux « programme des femmes ». A côté des humains et des gallinacés, il y aussi les araignées. Elles me donnent la chair de poule, façon de parler, bien entendu. Elles sont presque aussi grosses que moi ou que les blattes qu’elles chassent la nuit. Des blattes aussi grandes qu’une souris, elles aussi, imaginez l’ambiance. J’ai même fini par comprendre à quoi servaient les poules : elles mangent aussi les blattes ! D’ailleurs, elles mangent tout, y compris tout ce que quelqu’un a le malheur de laisser trainer dans le coin cuisine. Brrr, heureusement que mon nouveau look 2.0 est là pour me défendre ou, au moins, me faire passer inaperçue. Vive le 2.0 !
L’ensemble, entouré d’une végétation dense, luxuriante, et verte – évidement - me fait un peu penser à une ile ... sur laquelle nous serions échouée, et où, bon gré mal gré, nous allons séjourner pendant quasiment quatre jours, avec, de temps à autre, une sortie en cette mer de vert.
2 - Le Cenepa : Mamayeque, premier apu, première communauté.
A notre arrivée, notre ami Apu des apus (c’est-à-dire président de l’organisation indigène du district) nous explique que nous n’allons pas pouvoir assister à la réunion qui se tiendra le lendemain matin dans la capitale du district et où on parlera du projet minier. Dommage, on était bien intéressé d’en apprendre plus… Mais on accepte l’interdiction. La raison en est simple : « une personne du Ministère de l’environnement sera présente et on ne veut pas donner au gouvernement les raisons de spéculer sur la présence des étrangers et la manipulation de notre lutte par des ONG ». Il faut dire que pour arriver jusqu’au Cenepa il faut avoir une autorisation des organisations indigènes. Pour notre part, on nous en a donné une à l’AIDESEP : un beau papier signé par la présidente qui nous sert beaucoup. L’Apu nous promet, à son retour, de nous expliquer tout ce qu’on veut savoir sur le projet minier. A quand donc son retour ? « Je vous rejoins dès que la réunion est terminée. ». Elle a lieu le lendemain, donc probablement le surlendemain, interprète-t-on. « En m’attendant, si vous êtes d’accord pour payer l’essence, vous pouvez visiter les alentours ». Bonne idée, on n’a pas pris beaucoup d’argent, mais on ne va pas non plus faire des centaines de kilomètres. Après nous nous êtes installés dans l’école ancestrale, nous demandons à nos compagnons de gîte si nous pouvons visiter le village voisin tout proche. Ils insistent pour nous accompagner. Nous voici partis pour une petite marche à travers la forêt. Youpi, un peu d’aventure et surtout du mouvement! Alors que nous ne marchons que depuis 5 minutes, une embarcation faisant un terrible raffut se rapproche de nous : un peque peque (ou « peke peke »). A entendre le bruit hoquetant de son moteur, on comprend pourquoi on l’appelle ainsi. En moins de temps qu’il faut pour le dire, nous voici à son bord en direction du village de Mamayeque. On reconnait bien le côté péruvien des Awajuns. Ici, comme en ville, comme sur la Côte, on ne marche pas…
Mamayeque est un mignon village composé de maisons traditionnelles en bambou, aux toits en feuilles de palmier. Les rues y sont propres, les enfants y chahutent gaiement et les cochons s’engraissent paisiblement. A notre arrivée, la première chose que nous faisons (et qui, comme on le comprend vite, est la règle ici) est d’aller saluer l’apu du village. Notre premier apu. L’intérieur d’une maison awajun est plutôt dépouillé : un lit de bois et/ou de tiges de bambou en guise de matelas, le même que dans note « hôtel » de l’Odecofroc ; une table et des bancs pour manger et un coin cuisine composé de trois rondins de bois positionnés en triangle au milieu duquel se trouve le foyer et … c’est tout. Alors que la discussion a dérivé sur le thème des sodas, dont la vente (mise à part celle des inéluctables coca cola et inca cola) est interdite dans cette communauté pour lutter contre les déchets (bouteilles en plastique qu’on a souvent croisées dans le fleuve), le fils de l’Apu, qui vient de ramener du cacao fraichement récolté de sa plantation, nous propose d’en goûter le jus. Mmm, excellent, même si le goût n’a rien à voir avec le chocolat. La pulpe du cacao est acidulée et sucrée, quelque chose entre le fruit de la passion et la mangue. Un délice !
Voilà, l’Apu est au courant de notre présence et semble nous avoir appréciés, puisqu’il propose même de nous donner deux hectares de terre pour qu’on s’installe à Mamayeque !!! Nous ferions donc partie de la communauté. « Merci, on va réfléchir ». La femme du chef indigène, qui nous rejoint entre temps, n’a pas l’air bien. La pauvre, elle s’est faite attaquée dans la journée par une des pires bestioles du coin: la fourmi guerrière (insula) . On avait déjà fait sa rencontre à Imacita : alors qu’Anna et Jeremy étaient un train d’essayer de la prendre en photo en posant leurs mains à côté pour faire échelle, le maire d’Imacita l’avait tuée d’un coup de chancleta (Tongue ou tong ?) sans concession. D’une, la piqure de cette fourmi volante de plus de deux centimètres de long fait très mal, de deux, la victime se retrouve au lit avec de la fièvre pour 3 jours. Et, en plus, on dit qu’une visite de cette fourmi dans une maison est le résultat d’une brujeria (un sort jeté contre la personne qui y vit). Pas de bol ! Et même si on n’est pas superstitieux, lorsqu’on voit l’état de la femme de l’Apu, se faire piquer par cet insecte, c’est pas de chance ! J’aimerais pas que ça m’arrive.
A la sortie de chez l’Apu, on se met d’accord avec notre chauffeur (du peque peque) sur le prix et l’heure pour la sortie de demain : 7h du matin et 35 dollars pour moins d’une heure de route en tout : c’est le transport le plus cher qu’on aurait payé au Pérou jusqu’à maintenant. Voici une réalité de la vie dans le Cenepa, le transport est hors de prix, car il faut amener l’essence de loin. Face à notre étonnement, nos compagnons de gîte de l’Odecofroc rigolent en nous racontant qu’une fois, une chercheuse de Lima était venue avec environ 2000 euros, une somme coquette pour le Pérou, avec l’idée de visiter l’ensemble des communautés du district. Cela lui avait suffit pour un mois de transport et même pas pour la moitié de ce qu’elle avait prévu de faire. Et sans arnaque !
Avant de repartir vers notre ile, nous passons visiter l’atelier de céramique de Mamayeque, dans lequel les femmes, renouant, depuis peu, avec les techniques de leurs ancêtres, s’appliquent à confectionner des objets (assiettes, bols, plats, etc.) en terre qu’elles peignent à l’aide de pigments naturels (rouge, noir, blanc, vert) et auxquels elles donnent la touche finale en les laquant à la cire. C’est du beau travail. Alors qu’on discute avec une des femmes de l’atelier, le « chien du jardinier » refait surface dans la conversation et nous avons droit à une violente diatribe contre Alan Garcia. Elles non plus n’ont pas aimé la métaphore du docteur Alan. A croire qu’il l’a fait exprès. « Pourquoi est-ce qu’on ne nous respecte pas pour ce qu’on est ? » s’exclame-t-elle. « Nous aussi nous sommes des humains, pas des chiens ». C’est clair ?
C’est le soir, nous voilà rentrés au bercail et il est l’heure de passer à table. Au menu, yuca (un tubercule proche de la patate) et banane verte bouillie, accompagnés d’avoine bouilli au lait en poudre et sucré … aux fourmis, naines cette fois, comme nous pouvons le constater à l’aide de nos lampes de poche frontales qui nous permettent de défier le noir intégral de la nuit amazonienne. On commence à comprendre que le menu ici ne se renouvelle pas souvent. Evidement, ce n’est pas au restaurant, mais comme on a apporté des produits, qui apparemment n’inspirent pas les cuisinières (il n’y a que les femmes qui cuisinent), on se dit qu’il va falloir qu’on mette la main à la pâte.
Une fois le repas englouti, nous ne faisons pas long feu et prenons rapidement la direction de nos lits traditionnels pour une nuit bien méritée. C’est sous un magnifique ciel étoilé et aux sons d’une multitude d’insectes et batraciens mélomanes, agrémenté du regard brillant d’une araignée géante pendue au plafond, que nous nous endormons bon gré mal gré.
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Kri kri
Irkita
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