« Bonjour, des nouvelles de l’Apu des apus ? » « non, on va le contacter par radio pour lui dire que vous l’attendez, mais il ne devrait par tarder ». Un des Apus nous a expliqué ces jours ci, en parlant du projet minier, que si le gouvernement veut discuter qu’il vienne, il n’y a pas d’urgence, « nous avons tout le temps du monde ». C’est certainement parce que l’Apu que nous attendons a aussi une conception du temps différente qu’il tarde tellement. Et le temps passe. Déjà le troisième jour sans nouvelles.
Un peu plus tard : « Alors, des nouvelles ? Le contact radio a-t-il fonctionné ? » « Oui, mais on n’arrive pas à le retrouver ! ». Aie, ça se complique. Et pourtant, normalement, il n’est pas très loin, à une heure d’embarcation rapide d'ici, à Huampami, la capitale du district du Cenepa, le centre le plus « urbanisé » du coin. Là bas, il parait même qu’il y a Internet. Plus de trois jours sans lire nos mails, Anna commence à montrer des signes de manque et Jérémy espère que personne ne panique en Europe, parce que c’est la première fois que ça nous arrive de ne pas donner de nouvelles pendant aussi longtemps. Et nous n'avons plus de batterie sur nos ordinateurs ... Alors, pour patienter, nous acceptons l’invitation de nos colocataires de chambrées arrivés la nuit dernière et partons visiter un cimetière amazonien. Un cimetière amazonien, c'est un cimetière avec des croix, comme les cimetières chrétiens, sauf que les Awajuns ne sont pas chrétiens. « La croix, c'est juste pour marquer l'emplacement ». C'est peut-être juste mon imagination, mais je trouve qu'il y règne une sacrée ambiance, d'autant plus quand je pense que les Awajuns sont l’un des peuples de la nation Jivaro (appelée ainsi par les Espagnols), célèbre pour ses techniques de réduction de tête*… Heureusement, seule une rafale de moucherons vampires furtive et profitant de notre naïveté, « en plein jour, y a pas de moustiques », nous arrachera quelques centimètres de peau. Ces derniers sont les pires des insectes urticants de la forêt. Insidieusement, ils signent leur forfait d’un petit point rouge-sang à l’apparence insignifiant et qui ne gratte pas … dans un premier temps … mais qui se révèle bien pire qu’un bouton de moustique lorsqu’il s’active quelques heures après. La piqure disparait et réapparait aléatoirement pendant quelques jours et possède la faculté de se répliquer d’elle-même lorsqu’on la gratte, comme une sorte de contagion. Et elle gratte si fort que même la plus farouche des volontés ne résistera pas à l’envie. Si le mot existait, on dirait que les piqures de ces moucherons « s’expandent ». L’horreur. Ce qui explique l’état des mollets, leur pièce de viande préférée, particulièrement croutés des occidentaux rentrant d’un séjour en Amazonie.
Mais déjà, voici le soir. Une tortilla de légumes finit nos provisions et nous n’avons toujours pas de nouvelles de l’Apu des apus. C’est décidé, demain matin, si la radio reste muette, nous irons le rejoindre.
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