mardi 9 février 2010

19-01-2010 : L’horreur continue à la Oroya : nous avons allumé la télévision

En temps normal, trouver un transport au Pérou est aussi dur que de trouver du camembert dans une fromagerie française. C’est donc l’esprit serein que nous serions allés au terminal terrestre (c’est comme ça que s’appellent les gares routières ici) de la Oroya pour rejoindre Lima, si nous n’avions pas bêtement succombé aux terribles chants de la télévision dont été équipée pour une fois notre chambre d’hôtel. Après s’être abrutis devant des séries stupides dans lesquelles de fausses blondes manipulent de faux naïfs pour qu’ils tuent leurs faux petits amis. Evidement, toute cette sordide manipulation a pour fin l’argent. Chez les souris, c’est un peu plus simple, puisque c’est toujours pour du fromage. Sauf que plus le temps passe, moins il en reste (du fromage), contrairement à l’argent. J’avoue que j’ai toujours autant de mal à comprendre quelle est la magie qui fait qu’avec les sous humains, plus le temps passe puis il y en a. J’aimerais bien connaître ce tour de passe-passe pour que cela soit la même chose avec le fromage, qui me manque beaucoup en ce moment. Ah ! Si je pouvais grignoter un morceau de sbrinz !

Puis voici les informations. On y découvre en images la catastrophe du tremblement de terre en Haïti avec toute l’indécence dont est capable la télévision. Une jeune présentatrice avec décolleté plongeant feint de la tristesse et tente vainement de prendre un air apitoyé afin de pouvoir nous montrer le plus de sang, les plus d’os brisés, le plus de pleurs possible. On doit probablement frôler les limites de la censure, tant c’est insoutenable et sans aucune pudeur. Je veux bien comprendre que ces gens là font leur travail et qu’un des rôles de la télévision est d’informer, mais est-on encore dans l’information lorsqu’on montre le malheur des Haïtiens avec autant de voyeurisme et de désinvolture. Je n’aime pas la télévision.
La situation est dramatique, mais est-ce bien nécessaire de montrer ces gens aux corps désarticulés et à moitié nus, ces victimes hurlant sous les décombres, ces enfants qui pleurent et ces gens affamés qui se disputent pour récupérer un peu de nourriture de l’aide internationale (sous-entendu : « regardez ces Noirs qui se battent, on dirait des bêtes ». Puis de voir la police tirer dans le tas, faire un blessé (ou un mort) sur lequel on zoome, parce que ça saigne et que c’est bon pour l’audimat.

Une minute de silence pour toutes les victimes de cette catastrophe.

Suite à quoi, comme si de rien n’était, on passe à une information qui nous concerne directement : le lendemain, jour prévu de notre retour en bus à Lima, l’ensemble des compagnies (privées) de transport collectif entament ce qu’on appelle un paro, et qui est l’équivalent de nos grèves des transporteurs et qui signifie « arrêt ». Motif ? Le prix de l’essence est trop élevé (10 nouveaux soles le galon / 2,5€ les 5 litres). Le plus drôle dans l’histoire c’est de constater que finalement qu’il y ait une entreprise publique ou des centaines d’entreprises privées, les sociétés de transport sont capables de paralyser un pays. Petit clin d’œil pour les gâchettes de la privatisation parce que « y-en-a-marre-de-ces-fonctionnaires-qui-prennent-le-pays-en-otage». Pour nous, ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle. Si on en croit la présentatrice au décolleté plongeant, deux alternatives s’offrent à nous : soit on est coincés à la Oroya, quelle chance, soit on va payer le triple du prix, on est ravis !
Le lendemain matin, on se rend compte que, finalement, tout ça c’est un peu comme en France, lorsqu’on vient de passer une semaine de grève à Paris et qu’on voit l’information à la télé. Ca fait toujours de suite plus spectaculaire. Il faut que cela le soit de toute façon. Du coup, nous avons trouvé sans problème une voiture, un des moyens de transports officiels, le prix était normal et nous avons mis 3 heures pour rejoindre Lima.
Partant de la Oroya, la route commence par monter jusqu’à un col à 4500 mètres d’altitude. Autour de nous, se suivent de façon régulière mines à ciel ouvert, lacs bleu-verts et pics enneigés. Une fois la descente entamée, la roche prend une teinte rouge rouille. Une voie ferrée serpente sur le flan de la montagne. Sur celle-ci, à la fumée qui s’en dégage, on y devine un train en marche débouchant d’un des tunnels creusés dans la roche. Ambiance far west.


Un peu plus bas, le ciel s’éclaircit et le soleil fait son apparition. Les sapins nous accueillent avec leur vert étincelant et les cascades vertigineuses se font passer pour des rivières de lait. Cette descente est un véritable kaléidoscope. Enfin, au bout du chemin, voici « Lima la grise » qui fait pâle couleur après tous ces paysages. Pas grave, on n’est pas mécontents de regagner la grande ville, déjà parce qu’on y est arrivés et puis, surtout, parce qu’on va pouvoir (encore) se régaler de la gastronomie digne de la capitale culinaire de l’Amérique latine!

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